Après une journée très dépaysante à Tarabuco, nous poursuivons la visite des musées de Sucre.

L’un d’eux a particulièrement éveillé notre intérêt.

Le musée Asur ("Anthropologues du Sud Andin").

Ce musée est en fait une fondation pour la recherche anthropologique et l'ethno développement. Asur travaille auprès de paysans indigènes des communautés jalq'a et Tarabuco pour le programme textile et un programme est en cours avec les paysans ch'uta pour la céramique. (Plus d’infos sur : http://www.bolivianet.com/asur/museofr.htm)

Technique de tissage des Tinkipayas
de la région de Potosi.

Cette fondation anthropologique a en effet permis la redécouverte des techniques de tissage ancestrales.

On peut y admirer différents types de tissages, mais aussi voir des tisserandes à l’ouvrage et imaginer la patience nécessaire et les douleurs de dos que ce travail entraîne.

Les dessins sont minuscules et les détails incroyablement bien représentés.

Ce tissage en bandes verticales, avec des motifs dont les différentes couleurs donnent du relief, évoquent le monde qui entoure le tisserand.

Animaux mythiques, fêtes, travail dans les champs, avec toujours pour motif central, le mariage.

Ces tissages sont réalisés sans préparation ni modèle. Les petites filles commencent à apprendre sur des petits morceaux d’étoffe. Avec l’habitude, elles maîtriseront parfaitement le dessin et pourront se lancer dans le tissage d’un tapis ou d’une tunique.

Le tissage d’une étoffe de 1 mètre sur 50 cm nécessite 4 à 6 mois de travail.

Les hommes utilisent une autre technique que celle des femmes.

Les couleurs sont naturelles : le bleu est un extrait de roche, le rouge provient de la cochenille, le jaune de plantes, le marron de l’écorce d’un arbre.

Les motifs ont évolué au fil des années mais représentent toujours le monde extérieur. Les scènes sont de plus en plus narratives. Le cheval n’apparaît que dans les années 1980.

Voici des tissages de Tarabuco :

La technique Jalq’a est encore plus impressionnante.

Il s’y dégage une impression de désordre.

Mais les motifs (oiseaux, personnages, dieux) sont tous imbriqués les uns dans les autres, presque à l’infini. Ceci en utilisant uniquement 2 couleurs, le rouge et le noir, représentant un monde d'obsurité. Seul un fil blanc, invisible sur l’endroit, permet de faire ressortir le motif voulu.

Ces femmes travaillent avec une rapidité incroyable, sans aucune préparation de quelque sorte.

     Le motif est dans la tête.

            Ce sont des magiciennes.

Tissage Tarabuco
Tissage Jalq'a

Le motif qui revient toujours est le khuru, un petit personnage démoniaque (« khuru » signifie indomptable en quechua).

Note :
« Depuis la création de cette fondation, l’esthétique et la qualité de ces tissages à été reconnue et certaines pièces, le plus souvent destinées à l’exportation, valent une fortune.
Mais la reconnaissance de ce savoir faire unique a aussi redonné une certaine fierté à ces peuples indiens. »
C’est ce que nous disent les guides et l’objectif déclaré de la fondation. Mais notre sentiment sera tout autre lorsque nous irons visiter les villages Jalq’a.

Pour la partie ethnologique, la découverte la plus importante pour un visiteur est probablement la déformation des crânes.

Voici un crâne momifié naturellement.

La présence des cheveux est déjà impressionnante.

Mais ces crânes étirés sont plus surprenants encore.

En effet, il était d’usage, dès la naissance et pendant 3 ans, de bander le crâne des enfants afin qu’il s’allonge. Ces déformations étaient pratiquées dans les familles nobles qui, ainsi, pouvaient aisément être distinguées des autres.

Nous l’avions déjà vu sur des croquis dans le petit musée de San Juan. Ici, nous pouvons voir ces crânes allongés à l’extrême.

Impression bizarre. On a presque mal à la tête en les regardant.

Ces déformations étaient aussi obtenues en enserrant le crâne à l’aide d’un morceau de bois dont les extrémités étaient reliées par une corde.

Photo extraite de dossiermystere.over-blog.com

Plus tard, nous verrons que certaines ethnies pratiquaient également la trépanation, à des fins curatives cette fois.

Les épileptiques ou autres personnes atteintes d’un trouble comportemental étaient soumis à la trépanation pour faire « sortir le mauvais esprit ».
On perçait un trou dans le crâne, de préférence du bon côté du cerveau, et on le rebouchait avec des pierres puis du métal fondu afin de limiter les infections.

Les scientifiques ayant observé ces crânes trépanés ont été très surpris de constater que le trou était toujours pratiqué dans la bonne partie du cerveau. Sachant qu’on parle de trépanations effectuée avant l’an mille après J.C..

On observe, sur l’os de ces crânes, la marque de la cicatrisation qui prouve que ceux-là ont survécu à cette intervention.

Le musée Asur relate également la vie des différentes ethnies avec leurs rites, leurs manières de pêcher ou de chasser, les danses et les chants des différents groupes.
Des instruments sont exposés tels que « el pinkillo » (sorte de basson), en bois de canne à sucre, la « wajra » longue corne prolongée par un tube de bambou rappelant la clarinette, ainsi que des charangos de toute taille.

Les costumes, la musique ainsi que la danse font partie de l’identité de chaque ethnie.

Parmi les objets exposés, des chaussures aux énormes semelles de bois avec de gros éperons en métal attirent l’attention.
Pendant la danse, le son produit par ces semelles frappées sur le sol et le tintement des éperons ont une signification forte.

Costumes, chants et danses indiquent une manière de vivre et de penser.

Nous verrons le lendemain, au musée folklorique, des costumes et surtout des masques de carnaval d’une beauté et d’une complexité impressionnantes.
Différents personnages sont représentés tels que le diable, les maîtres et les esclaves, les animaux, la passion, la mort…

Chaque costume, chaque masque, chaque danse a une signification importante pour une ethnie donnée.

Après ces expositions remarquables, nous terminerons cette journée sur les toits du superbe Couvent San Felipe Neri où la vue est imprenable . . .

Note :
Lors de recherches sur Internet, il apparaît que les raisons de ces déformations et trépanations varient selon l’auteur et ses croyances.
Certains prétendent que les déformations venaient d’une volonté de ressembler à la montagne. D’autres faisaient suite à la rencontre avec des êtres d’une autre planète…

En Bolivie, les fascicules ou les commentaires dans les expositions sont très succincts. Lors de nos visites dans les musées ou les cités antiques, nous avons pu constater combien elles étaient peu approfondies (manque de moyen ou/et de professionnels… peut-être).

Quant aux guides, il y en a peu et les « bons » sont rares. De plus, ils parlent espagnols, parfois anglais, mais rarement français (nous retiendrons la compétence particulière de notre guide à Tiwanacu et nous remercions le musée Azur pour l’excellente traduction française de leur descriptif).

Quelle idée de parler une langue aussi peu usitée dans le monde ?... !

Au risque de dire des choses erronées, nous serons donc parfois contraints de survoler certains sujets.

Photos Internet - site : www.neurosurgery.org
 

 


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