Bien avant de partir pour ce long voyage à travers les Andes, nous parlions de cette célèbre route de la mort.


Rémy en rêvait.

Candice en avait parfois envie, mais parfois la crainte du danger prenait le dessus.

Quant à moi, je ne pouvais penser à cette expérience sans une grande appréhension.

C’était bien connaître l’opiniâtreté de notre cher Capitaine.

Mais, connaissant la force de volonté de notre père et époux, nous savions que "nous n’y couperions pas".

En effet, quelques heures à peine après notre arrivée à La Paz, nous écumions les agences afin de trouver celle avec laquelle nous relèverions ce défi.

Notre choix fut déterminé par la qualité des VTT, moyen que nous avons choisi pour descendre cette Route de la Mort.

Pourquoi en VTT, nous direz-vous ?

Parce que descendre cette route en dos de mule ne tentait pas Rémy.
Il aime trop les animaux !!!

Sommes-nous coutumiers de la pédale ?
Pas vraiment !

Nous avons, pour seule expérience du vélo, nos allées et venues en ville pour nos courses hebdomadaires.
Mais nos mollets, déjà mis à rude épreuve pendant ce séjour, sont prêts à affronter ces heures à pédaler et nous emporterons avec nous une bonne dose de courage.

Après avoir répondu à un questionnaire concernant nos tailles et poids afin de nous fournir l’équipement adéquat, soient veste et pantalon de pluie, gilet fluorescent, gants, lunettes et casque, nous avons rendez-vous lundi, 6 heures du matin, devant l’agence.

La Route de la Mort - Description

Si vous étiez las des photos de musées, marchés, villes et ruines, et aviez hâte de voir nos frimousses - disons plutôt nos casque - c’est le moment de vous installer confortablement sur votre fauteuil.

Mais sachez que, si les photos nous montrent statiques, le plus souvent " ça filait sec" !

La Route de la mort relie La Paz (entre 3600 et 3800 m) à Coroico (1100 m).

Pendant 63 km, elle serpente et descend en pente raide dans cette région des Yungas, dans la Cordillera Real.

Il faut savoir que sur ces routes des Yungas, ceux qui descendent doivent toujours passer à l’extérieur. Le véhicule descendant doit se ranger et laisser passer les voitures qui montent contre la paroi de la montagne.
Ainsi, c’est celui qui voit le mieux ses roues extérieures qui prend le plus de risques.

Nous descendrons cette route de la mort et devrons donc, nous aussi, rouler à gauche, côté ravin.

Lundi - 6 heures

Nous sommes au rendez-vous, frais et dispos – surtout frais ! - pour affronter une

descente de 63 kilomètres, avec un dénivelé de 3600 mètres
.

Cliquer pour agrandir
Avec d’autres touristes, nous quittons La Paz à bord de deux minibus.

Nous montons jusqu’au col de La Cumbre. C’est un peu plus loin que débutera pour nous la grande aventure.

Avant la création de la nouvelle route, on pouvait voir de nombreux chiens attendant sur le bord de la route le passage des véhicules.
Ils savaient que les chauffeurs des camions leur jetteraient de la nourriture, espérant ainsi s’attirer la protection des esprits des ancêtres pendant le parcours.

Au col, les conducteurs faisaient une « cha’lla » (offrande) pour les « apus » (esprits de la montagne) et arrosaient d’alcool les pneus de leur véhicule avant d’entamer la descente.
Ceux qui empruntent encore la route de la mort perpétuent probablement ce rituel.

Nous sommes au point de départ, au bord d’un lac, à 4650 mètres d’altitude.

Une fois tout l’équipement revêtu, nous ressemblons à des cosmonautes.

En ce qui concerne notre ours polaire, ce bon gros casque orange choisi spécialement pour lui, convient parfaitement. Le pantalon et les lunettes également.
Mais pour le reste, malgré nos recommandations sur la taille nécessaire et les promesses de l’agence assurant qu’il n’y aurait pas de problème, ça va beaucoup moins bien.

Mais pour une fois, un autre "beau bébé" lui tient compagnie.

Sauf que ce Monsieur n’a pas des "paluches" de géant. Il peut enfiler les gants... lui !

Il a bien des difficultés à enfiler ses gants, qui termineront dans la poche, et les vestes lui vont comme un soutien gorge à un lapin.

Donc attention ! Quand vous verrez ce cycliste sur les photos, ne confondez pas.

C’est facile !
Les vélos sont identiques.
Mais Rémy est le seul à porter un beau casque orange.

On ne peut donc pas le louper !

Cet homme sympathique est Hollandais.

Ceci explique peut-être cela !

La ressemblance est frappante, n’est-ce pas ?

Après la séquence habillage, nous essayons nos VTT…

Quelques photos souvenir…

9 heures – Tout le monde est prêt.

 Nous sommes partis pour la grande aventure.

… Adieu chers parents…

          Adieux chers amis….

Ne nous oubliez pas !!!

Heueu…vous êtes certains de vouloir
les suivre ?... !

C’est parti !  

Ah oui ?... Bon, alors… on y va...

Première partie

(tracé jaune sur le croquis)

Pour cette première partie, nous descendons sur une belle route goudronnée.

La descente est très, très  rapide.

1450 mètres de dénivelé sur 32 kilomètres.

Ça file…

Le paysage est magnifique.

Hélas, nous roulons beaucoup trop vite pour en profiter pleinement.

Petite ombre à cette première partie.

Sur ce premier passage, nous sommes à la traîne.

Nous devons nous arrêter souvent pour attendre Candice qui dit avoir des difficultés avec son vélo.
Elle, qui d’ordinaire adore la vitesse, descend très prudemment. Nous pensons qu’elle a peur.
L’un des accompagnateurs l’attend également.

En fait, lorsqu'à la fin de cette descente, j’essaierai son VTT, je pourrai constater qu’en effet il a un sérieux problème d’équilibre. Et j’aurai à mon tour quelques frayeurs.

Ce n’est qu’à l’arrêt suivant que nous récupérerons un autre vélo.

Dommage pour notre fille qui n’a pu se laisser griser elle aussi par cette descente exceptionnelle
qui lui aurait beaucoup plu.

Parenthèse importante

Si l’ensemble de l’équipe nous a semés depuis longtemps, c’est aussi qu’ils vont très, très vite.
Il en sera ainsi pour la plupart des participants, tout le long du parcours, ou presque. Car sur la dernière partie, la fatigue ralentira nettement le groupe que nous pourrons alors rattraper.

Il semble en effet que certains soient là pour gagner.

Gagner quoi, me direz-vous ?  Le droit de mourir peut-être ?

Cette route est célèbre pour être « la plus mortelle au monde », d’où son nom.

C'était vrai il y a peu de temps encore pour les usagers habituels.

C'est, hélas, toujours vrai, pour les touristes en VTT.

La circulation y était dense et nous comprendrons vite les risques que devaient prendre les automobilistes lorsqu’ils devaient se croiser sur cette piste.

Mais désormais, seule la route goudronnée est empruntée par les voitures ou les bus. Rares sont ceux qui circulent sur la 2ème partie (la plus dangereuse) depuis qu’une nouvelle route a été ouverte.

Certes celle-ci est plus longue et entraîne une plus grande consommation de carburant. Mais la plupart des conducteurs choisissent la prudence.

Outre quelques réfractaires, les seuls véhicules empruntant donc encore ce passage sont les habitants des villages de ces montagnes et les minibus qui accompagnent les groupes comme le nôtre.

Pourtant, il y a toujours des morts.

Et la plupart des victimes sont désormais des touristes en VTT.

En effet, chaque année, des cyclistes sont victimes d’accidents sur cette route de la mort où la moindre chute est souvent fatale.

On totalise environ 10 morts depuis la création de la nouvelle route, soit depuis 3 ans, dont la dernière, une jeune fille, 3 semaines avant notre descente.

La vitesse atteinte sur la première partie peut vite devenir incontrôlable.

Jeunes "fous du guidon" faisant partie de notre groupe.

Quant à la suite du parcours, nous roulons sur un chemin étroit et très cahoteux, parsemé de grosses pierres anguleuses, entre d’un côté la roche, de l’autre la falaise dont la verticalité et la profondeur ne laissent aucune chance.

Autres

"fous du guidon" 

Lorsqu’on constate à quel point la vitesse, même sur la piste qui traverse la montagne, est l’unique but de la plupart des participants, comment pourrait-il ne plus y avoir d’accident mortel ?

Vous verrez pourtant combien  le paysage est extraordinaire et les falaises impressionnantes…

Pendant tout le parcours, nous serons les seuls à nous arrêter de temps à autre pour admirer la vue et faire une photo (jusqu’à ce que notre appareil nous lâche – trop d’humidité sans doute ou un trop grand écart de température).

Mea-culpa !

Nous sommes désolés d’avoir fait attendre les autres « concurrents » (?!) lors des différentes haltes.

Mais à cause de leur goût pour le défi sportif, nous arrivions toujours au moment de repartir et n’avions donc jamais le temps de souffler.

Notre mérite n’en a donc été que plus grand – Na !

Deuxième partie

(tracé vert sur le croquis)

Lorsque nous quittons la belle route asphaltée, nous roulons un moment sur une piste de graviers sur laquelle il est difficile de maîtriser les vélos.

A ce rythme, nous ne sommes pas prêts d’arriver !

Notons que c’est ici que je testerai le vélo maudit de Candice et éviterai de justesse une belle "gamelle".

C’est nous !

Les graviers laissent vite place à une terre dure et la piste devient plus confortable.

Hélas, cela ne va pas durer et nous allons vite retrouver l’inconfort d’une piste bien plus difficile.

Nous arrivons au contrôle d’Unduavi

(sur la carte, cf. première flèche rouge)

Il est 10 heures 30.

Petite halte pour reprendre des forces.

Et nous repartons.

Nous sommes à Chuspipata, au carrefour entre la vieille route et la nouvelle (cf. plan).


C’est ici que commence réellement la Route de la Mort.


Le dénivelé est de 2100 mètres sur une distance de 31 kilomètres.

Avec une largeur de 3m 20, cette piste qui descend jusqu’à Coroico permet tout juste le passage d’un véhicule.

On comprend alors comment une trentaine de véhicules bascule dans le vide chaque année.

Il commence à pleuvoir sérieusement.

Si nos vestes et pantalons cirés nous protégeaient jusqu’à présent du vent, ils vont désormais nous éviter d’être trempés jusqu’à la moelle.
Malgré ces protections, la boue pénètrera partout et nos vêtements finiront dans un état lamentable.

C’est Re-nous !!

Malgré la pluie qui s’intensifie, la beauté de ce paysage verdoyant ne peut nous échapper.

La piste serpente dans la montagne.

Ça grimpe…  ça descend…

La vue est splendide et la végétation de plus en plus dense.

Nous roulons à gauche, comme il se doit.

Plusieurs groupes font le même parcours et lorsque d’autres cyclistes nous doublent, nous sommes au bord du ravin.
Alors, la moindre glissade sur le gravier peut être fatale.

Le paysage est toujours sublime.


Mais nos yeux doivent rester rivés sur la piste et il est important d’aborder le mieux possible les nombreux virages, en évitant surtout le réflexe de freiner à la moindre embûche.
Chacun de nous fera la mauvaise expérience de voir le précipice d’un peu trop près.

C’est sous un brouillard à couper au couteau que nous arrivons à l’endroit le plus dangereux de cette route.

Le plus surprenant aussi.

A nos pieds, la roche est totalement verticale.

Par endroit, nous ne la distinguons même plus. Nous avons l’impression d’être en suspend au dessus de rien.

Voici la route et le paysage par grand beau temps. (photos prises par les accompagnateurs, un jour ensoleillé)

Ce n’est plus une falaise, c’est un mur.

Impressionnant, n’est-ce pas ?!

Nous poursuivons sous une pluie

de plus en plus dense.

Nous sommes dans un état pitoyable.

Midi . . .

. . . le soleil revient.

Pause déjeuner

Nous ôtons nos vestes et pantalons trempés et plein de boue, et mangeons de très bon appétit.

3 heures de vélo, ça creuse !

20 minutes plus tard . . .


Il est temps de nous remettre en selle pour la dernière partie du circuit.

... Elle, moi, lui !
Lui, moi, elle ...

 Les fous du guidon sont à la traîne !

Autre halte pour en prendre plein les yeux.

 

Et montrer qu'on y était (!!!)

Un peu de gym, au cas où nous ne ferions pas assez d’exercice aujourd’hui !?!

Vous pouvez rester comme ça.

Je suis très bien là haut !

Mais toutes les bonnes choses ont une fin et nous ne sommes pas encore arrivés.

Sur la fin du parcours, la végétation change complètement.

Feuilles gigantesques, bananiers, bougainvilliers…

Nous sommes sous les tropiques et regrettons tellement la panne de notre appareil photo.

Il ne pleut plus. Il fait même de plus en plus chaud. Mais nous nous mouillons toujours.

Toujours nous, traversant le rio de Yolosa.

Cette fois, les chaussures ne résistent pas.

On aurait peut-être dû emporter le maillot et les palmes ?!

Il est 13 heures 30

Notre périple s’achève à Yolosa avec un soda bien mérité.

Nous rejoignons Coroico en minibus.

Alési, Schumacher et Prost ...!?

Les à pics sont vertigineux, les surplombs rocheux énormes et les chutes d’eau arrosent et érodent la route.

Cette eau qui dévale de la montagne finit de nous tremper.

La pluie fine et drue nous cingle le visage.

Pourtant, cette partie demande la plus grande attention.

… Ça file très, très, très vite…

Cette vitesse vertigineuse est grisante et nous nous régalons. Pourtant, nous ferions bien quelques haltes pour admirer la vue. Mais nous ne pouvons retarder davantage le groupe déjà bien loin devant nous.

A 1750 mètres d’altitude, à mi-chemin entre les Andes et l’Amazonie, Coroico est un charmant petit village niché dans le creux de la vallée et enfoui sous la luxuriance d’une végétation tropicale.

Comme dans toute cette région des Yungas, une partie de la population est noire. Ce sont des descendants d’esclaves envoyés pour travailler dans les mines.

Comme promis, le luxueux hôtel-restaurant où nous sommes conviés pour le déjeuner dispose d’une piscine.
Mais devant la couleur de l’eau et vu le délai imparti avant de passer à table, la douche chaude et puissante gagne tous les suffrages.

Nous déjeunons - ou dévorons ! - avec le groupe, anglophone pour la grande majorité.

Nous sommes les seuls français.
Candice est la plus jeune, Rémy et moi les plus vieux.

Est-ce pour la 1ère ou pour la 2ème raison ?

Le fait est que, hormis notre sympathique Hollandais (pas si jeune non plus !), personne ne semble remarquer notre présence ?

Ou ces jeunes gens nous reprochent peut-être de les avoir souvent fait attendre ?

Nous n’en saurons rien. Et peu nous importe.

Pour citer je ne sais plus qui : « Ils ne savent pas ce qu’ils perdent ! »


Les VTT reprennent leurs places sur les toits et nous rentrons.

Il est déjà 19 heures 30 lorsque nous arrivons à La Paz, fatigués et fourbus, mais enchantés et fiers de nous.

Après avoir tant appréhendé cette journée, je peux désormais affirmer que cette expérience est à faire absolument, à condition toutefois d’être prudent.

En ce qui nous concerne, la seule mort à déplorer est celle de mon petit appareil numérique.

Mais ce n’est que le 4ème en 5 ans (!?) – Vive l’électronique du 21ème siècle !

Une journée de repos serait bien nécessaire pour nous remettre de cette expédition sportive.

Mais, avant de partir, nous voulons faire un peu de shopping et les rues de La Paz ne sont pas des plus reposantes pour les mollets.

Nous serons effectivement en pleine forme. Et tant mieux !

Car nos muscles n’auront pas le temps de refroidir.

Demain, nous partons pour Copacabana et les superbes îles montagneuses
du lac Titicaca.

Les sentiers grimpant vers les hauts sommets ne nous épargneront pas . . .

Pas trop fatigués ?                        
        Nous… on pète la forme !

Ça, Rémy s'est bien gardé de me le dire avant d'entamer cette aventure !!!

 

 

 


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