Journal d’une traversée

                             en long,                        

            en large                      

        et en travers . . .

 . . . surtout en travers !

Novembre - Décembre 2008           

Note : Mon cher et tendre me signale que j’ai déjà utilisé ce titre lors d’une autre traversée. Connaissant sa mémoire prodigieuse, je n’émettrai aucun doute en la matière.

Cela prouve simplement que mes affinités avec de longues périodes de navigation n’ont pas varié d’un iota.

En l’occurrence, je laisserai ce titre !

Préambule


Pour ceux que les détails de notre navigation blaseraient – Ô comme je les comprends ! – qu'ils ne s'arrêtent pas à la première page.

J'avoue, les premiers jours, m'être un peu laissée aller à la déprime, mais pour très vite me reprendre en main.

Et si, malgré tout, vous vous lassiez, vous pouvez toujours passer directement à l'épilogue.
Toutefois, sachez que vous n'y trouverez pas le récit de quelques moments inoubliables pour notre fol équipage.

Quant à certains détails purement nautiques, désolée il y en a qui aiment parait-il (!). Mais je vous rassure, ils sont très succints.
Pour vous, chers néophytes, sachez seulement (car ce sera un des grands sujets de cette traversée) que "1 nœud" correspond à une vitesse d’environ 1,8 km/heure - Autant dire pas grand-chose !

Bonne croisière.

 

Après une semaine de folie durant laquelle, au lieu de nous reposer comme prévu, nous avons lavé, rangé, terminé les préparatifs de départ et caréné de nouveau (des coquillages ayant déjà envahi la coque), nous assistons à notre dernier spectacle d’Econcon (danse traditionnelle casamançaise) et faisons nos adieux – Très émouvant ! – comme vous aurez pu le lire sur notre page Casamance - «Derniers jours…».

*

Nous avons environ 2200 milles à parcourir.
Notre réserve de carburant est d’environ 600 litres.
Notre réserve d’eau est d’un peu moins de 600 litres.

*

Samedi 15 novembre 2008

Nous quittons Kachouane et la Casamance.

Destination Salvador de Bahia - Brésil

Les enfants sont sur la plage et scandent nos prénoms depuis ce matin. Il semble qu’ils ne veuillent en aucun cas louper notre départ.

   Candice, imperturbable, fait de la géographie.
     Rémy, épuisé, a hâte de retrouver la mer et de mettre les voiles.
       Moi, j’ai un petit nœud au ventre et, en plus, j’ai la crève.

13 heures.

Nous partons pour environ 3 semaines de mer !

Il fait 35°C – Nous brûlons.

  

Le sondeur nous lâche juste dans la passe – Classique !
    Les dauphins sénégalais escortent notre sortie.

15 heures 30

Nous mettons les voiles !

Grand voile et génois – Vitesse 2,5 nœuds.


Pas terrible mais c’est un début !


. . . Oh, oh ! Un p’tit problème !

Il y a un joli trou dans la grand-voile.  

Probablement le résultat de la dernière tornade en sortant du Saloum.

Rémy d’un côté, moi de l’autre, nous nous mettons à la couture dans des positions pas vraiment évidentes.

     
    

En fin d’après midi, une petite heure de moteur pour avancer un peu, puis un petit vent se lève. Nous avançons de nouveau sous voiles.

Répartition des quarts :

Nous devons préserver le rythme scolaire de notre mousse qui regrette de ne pouvoir faire les nuits entières… Et nous donc !

Le mousse veillera donc jusqu’à 1 heure du matin.
  Le Capitaine prendra le relai jusqu’à 4 heures.
   Le second de 4 à 7 heures (voire 8 si possible)
    Puis de nouveau Rémy jusqu’au levé du mousse.

Dur, dur ! Mais il paraît que nous allons nous y faire !?!

Anecdote :

Je prépare le premier diner de cette longue traversée.

Notez que jamais, quelques soient les conditions, je ne dérogerai à la règle : Du pain frais et un bon dîner – Y-a-qu’ça d’vrai !

Rémy, dans le cockpit, constate alors que nous sommes suivis. Un grand poison, environ un mètre, ne nous lâche pas.

          Bizarre… on dirait un requin !


Soudain, il réalise que je prépare notre dernier petit poulet casamançais.
Et quand je dis petit, c’est un euphémisme.

  

Le « poulet bicyclette ».

Je viens donc de balancer par-dessus bord les déchets sanguinolents de feu le poulet et l’eau s’écoulant par l’évacuation est largement mêlée de sang.

C’était donc bien un requin.

« Heueu…Chérie, quand je me baignerai, si tu pouvais faire simplement des pâtes !!! »

Dimanche 16 novembre

Une petite brise nocturne a poussé à 3,5 nœuds. Puis plus de vent. Nous décidons d’allumer le moteur.

Dans la matinée, nous entendons Rémy parler anglais à la VHF.


Quelques cargos ont croisé notre route. L’un d’eux vient de le contacter. Nos routes vont se croiser. Il propose que nous changions de cap.

Nous avons la priorité, certes. Mais l’on ne se bat pas contre plus fort que soi. Et surtout, nous apprécions que l’un de ces monstres daigne montrer quelque considération envers notre coque de noix.

Nous obtempérons donc de bon gré - Thank you Sir !

Lundi 17 novembre – 5 heures

 

Toujours pas de vent.
Vitesse : moins d’1,5 nœud.


A la nage, nous irions aussi vite !


Rien ni personne à l’horizon.
 
   Même plus un cargo pour occuper les quarts.   

Seules rencontres, des poissons volants et des dizaines de dauphins venus nous rappeler que nous faisions toujours partie du monde des vivants.

A moins que ?

Socrate ne disait-il pas qu’il y a trois sortes d’hommes :
Les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer…

  

Les heures passent…interminables.

Le plus pénible est le bruit que font les voiles qui battent et la bôme qui claque sans cesse par manque de vent.

 

Nous décidons de nouveau d’allumer le moteur pour avancer et remonter le moral des troupes. Mais nous devons gérer notre réserve de carburant.

Nous en aurons besoin pour le « pot au noir *».

* Si vous ne connaissez pas ce terme, rassurez-vous, j’en parlerai plus tard.
Quant à ceux qui prétendent connaître mais n’y sont jamais passés, je puis leur dire, à l’heure où je recopie ces lignes, qu'ils n’en savent pas plus que les autres !!!

Au fait ! Ma "crève" se porte bien.
Je vais probablement contaminer tous les dauphins de la zone.

S’enrhumer par 35°C – On n’a pas idée !!!

 

Quand les voiles ne battent pas, c’est le grand silence.
       
        Le chant du muezzin nous manquerait presque (!?)

Nous sommes toujours à moins de 2,5 nœuds. C’est lent…très lent…

Hé... Ho...! Quelqu’un m’entend là haut ?... Si vous pouviez souffler un peu plus fort… !

7 heures 30

L’heure pour moi de me jeter avec délice dans les bras, non pas de mon mari qui va se lever pour me remplacer, mais dans ceux de ma chère amie Morphée.

Mais je n’ai plus sommeil - Il fait grand jour.

C’est pas une heure pour aller au lit !

Je laisse dormir le Capitaine.

. . . Le vent faiblit encore. Le GPS affiche 1/2 nœud.
Si un poisson venait à s’accrocher à notre ligne, nous reculerions.

Quand il n’y a pas de vent, comme actuellement, dans le jargon des marins – toujours soucieux de se distinguer des autres, pauvres terriens ( ! ) – on dit qu’il y a « pétole ».

Et bien, je puis vous dire qu’en ce moment il y a pétole de chez pétole !!!

 

Point de 13 heures.

Cap : 230
Position : 11° 10 N – 18° 38 W
Distance parcourue :150 milles
Vitesse : 2,5 à 3 nœuds.



 

A ce rythme, il va nous falloir un mois !

Tout l’équipage est déjà à bout de nerfs.
Ces voiles et cette bôme qui claquent sans cesse. Ce bateau qui n’avance pas.

Ce n’est pas possible !

Rémy affale tout et décide d’attendre. Mais est alors brinqueballé par la houle qui s'est formée. On ne tient pas debout.
Il voulait plonger, pensant que des coquillages alourdissaient de nouveau la coque. Mais avec cette houle et le bateau qui tangue terriblement - Trop dangereux.

La grand-voile est de nouveau hissée. Le bateau est alors plus stable. Mais les claquements reprennent.

Ch’clack . . . Ch’clack . . . Ch’clack . . .

Et nous rôtissons.

Que faire ?

Deux jours de navigation et déjà 17 heures de moteur.


14 heures.

Tant pis !  - Moteur.

Il doit bien être quelque part ce vent annoncé par la météo !

Malgré le moteur, nous sommes à moins de 5 nœuds.
     Le Capitaine fulmine.
         Mais sa fille a de quoi le distraire (!?)

La couleur de l’eau est superbe.  

18 heures.

Arrêt des machines.

La vitesse descend à 1,5 nœuds mais cela suffit à gonfler un peu les voiles et les empêcher de battre.

Mer d’huile – Toujours rien à l’horizon.

Nous sommes vraiment dans le troisième monde de Socrate.

Mardi 18 novembre – 7 heures 30

Toute la nuit, la même petite brise a daigné gonfler les voiles de .

Vitesse : escargot (1 à 1,5 nœuds)

Les voiles battent toujours mais la bôme ne claque plus.
Le soleil vient de faire son apparition. Sur l’eau, de grandes ondulations.
Tout est calme.


Le reste de l’équipage dort. Pour ma part, je viens d’occuper ces 3 heures de veille à lire les cours de philosophie de Candice.

Génial !?

Cette nouvelle matière semble déjà générer une certaine aversion de la part de notre lycéenne.
Ceci-dit, quand on lit la première question philosophique de son manuel :

Les sens suffisent-ils à nous fournir toutes nos connaissances ?
On la comprend !

. . . Pfououou ! Suffit pour aujourd’hui !

 

Le GPS m’inquiète. Notre vitesse chute encore.
Est-ce possible ?
Je crains une nouvelle journée aussi épuisante pour les nerfs que la veille.

Cette fois, nous n’avançons plus.

Nous dérivons vers le sud, ce qui serait une bonne chose si nous ne dérivions en même temps vers l’est.
Le pilote ne parvient plus à tenir le cap tant le vent est faible.

Nous sommes de nouveau contraints d’allumer le moteur.

 

Midi.

Arrêt du moteur.

Vitesse 0,5 à 2 nœuds – Le pilote tient la route.

 

Point de 13 heures

Cap : 220
Position : 10° 21 N – 19° 19 W
Distance parcourue : 214



 

Le moral de l’équipage est mis à rude épreuve. Il est temps d’entamer les réserves prévues à cet effet.

Axoa maison
(viande hachée et piments d’Espelette, marinée au vin et épices diverses - délicieuse spécialité du Pays Basque)
accompagnés d’un bon petit Graves.

Mmmm !
Tout le monde retrouve le sourire.

Candice aura bien des difficultés à réveiller son papa pour la relève dans quelques heures.

Mercredi 19 novembre – 10 heures

Cette nuit, nous avons un peu avancé - 3,5 à 4 nœuds – un exploit !? - ce durant quelques heures. Puis chute à 2,5 nœuds.

Mais ce matin, le Capitaine est énervé.

Je l’entends enrouler le génois, puis le dérouler, pour l’enrouler de nouveau.

  Non seulement le vent faiblit, mais il tourne. Nous l’avons désormais plein face.

 

Moteur et  Ras le Bol !

Quant à la pêche, notre seule prise est ce « truc » avec des espèces de poils, d’un joli bleu, certes, mais pas du tout comestible.

  

Et nous n’avons même pas pu sauver cette pauvre bête.

 

Point de 13 heures.

Cap : 229
Position : 9° 41 N – 20° W
Distance parcourue : 276 milles


 

Cette fois, nous reculons vraiment.

Le Capitaine est à bout.

Moteur.

. . . Une heure plus tard, un peu de vent - Arrêt des machines.
Vitesse 2,5 nœuds – Le pilote parvient à tenir le cap.

 


Vous nous servirez notre collation en terrasse, s’il vous plait !

Jeudi 20 novembre – 6 heures du matin

La pâte à pain est prête. Elle lève tranquillement.

Je peux reprendre la plume.

D’accord, ce n’est qu’un vieux Bic. Mais je trouve que ça fait mieux « la plume »…!

Si un bon vent a poussé à près de 5 nœuds une bonne partie de la nuit, nous sommes de nouveau à 2,5 nœuds.

Lassant hein ?!
Mais l’essentiel n’est-il pas que nous avancions ?

*

Séquence méditation :

Étrange comme le temps n’a plus réellement d’importance. Seuls rythment nos journées les quarts, les repas et les cours de Candice, toujours très assidue.

     

Quel jour sommes nous ?
Depuis quand sommes-nous partis ?

Cela semble désormais n’avoir que si peu d’importance.

Nous avons déjà le sentiment d’être déconnectés.

Les heures passent. Et dans la mesure où nous progressons, même lentement, tout va bien.
Nous occupons ce temps sereinement.

Pas de vent implique pas ou très peu d’énergie.
Or le pilote passe en priorité. Donc, loin de nous toute idée de se distraire devant l’ordinateur.
Un bon film par exemple - Que nenni !

Aussi, lorsque Candice ne réclame pas notre aide, mettons-nous à profit ce temps qui nous semble infini pour lire, discuter, penser…

Certes, nous passons également beaucoup d’heures dans la journée à dormir afin de récupérer des nuits un peu courtes à notre gré.
Nous ne sommes toujours pas habitués au rythme des quarts et la fatigue se fait grandement sentir.
Quant à moi qui appréhendais que le vent et la houle nous interdisent toute activité, pour l’instant, je suis gâtée. Le bateau est tout à fait stable.

Bon… un peu plus vite quand même, ce serait bienvenu.
Mais sans houle s’il vous plait !

 

 

Point de 13 heures :

Cap : 220
Position : 8° 25 N – 20° 29 W
Distance parcourue : 350 milles
Vitesse moyenne : 3 nœuds
Heures moteur : 30 heures



 

 

Spectacle grandiose :

Notre déjeuner est interrompu.
  En quelques secondes, nous sommes tous trois sur le pont.
    Des centaines de dauphins arrivent de tout bord.    

Ils sont gris, leur ventre est rose et leur élégance n’a rien à voir avec les gros dauphins noirs du Sénégal.  

Ces dauphins, avant de venir jouer à l’étrave, nous offrent une série de fabuleux sauts périlleux.
   Ils semblent s’amuser follement et nous nous régalons.

   


Comment se lasser d’un tel spectacle ?

La météo annonçait un vent d’est. En fait nous avons de l’ouest sud-ouest.

Vitesse : 4 nœuds - Mais la houle est de travers.
Pas très agréable.


Essai du régulateur d’allure.

Il y a un peu de vent. C’est le moment d’essayer notre Atoms.

Essai non concluant.
Il tient la barre…mais ne la fait pas tourner.

Malgré tout le travail de Rémy, il y a encore trop de jeu dans la barre franche.
   Dommage car lui ne consommait rien !

 

Puis le vent faiblit… faiblit… faiblit encore.

Ça recommence !       Ch’clack . . . Ch’clack

Les voiles battent et la bôme claquent.

Il en sera ainsi toute la soirée et toute la nuit avec une vitesse de 1,5 nœuds.

Si l'on peut encore parler de vitesse !?

Petit intermède durant le diner :

Un orage éclate au loin, vers le sud.
En face, un halo lumineux, probablement un cargo.

Nous rangeons tout, prenons un ris*, enroulons le génois - qui en l’occurrence ne sert à rien puisqu’il n’y a plus de vent – et déroulons la trinquette (beaucoup plus légère).

Ces manœuvres enfin terminées. . . Il n’y a plus rien.

Ni orage, ni lumière au loin.

Gloups ! Notre imagination nous jouerait-elle déjà des tours ?

* prendre 1, 2 ou 3 ris dans la grand voile consiste à diminuer la surface de cette voile. Voici ce que cela donne avec un ris :

Vendredi 21 novembre – 5 heures

Vitesse : 0,5 à 1 nœud.

 

Crouing . . . Crouang . . .   la bôme qui grince
Plim . . . Ploumf . . . roulant allègrement dans une houle de travers.

. . . 12 heures plus tard :  Pitié, faites que cela cesse !

Ne me demandez surtout pas si nous avons bien dormi - Grrrrrr !!!!!

 

Vu l’état actuel des choses, le Capitaine se sent dans l’obligation morale de nous donner quelques précisions :

A une vitesse de 4 nœuds, nous mettrions environ 22 jours.
A une vitesse de 2,5 nœuds, il nous faudra plus d’un mois.

Il est préférable d'être prévenu !!!

Candice n’a qu’un espoir : arriver avant Noël. Fêter ses 17 ans en mer ne la tente absolument pas.

En fin de soirée, nous apercevons des éclairs au loin. Signe que nous approchons de cette zone que l’on nomme « pot au noir » (prononcer « potonoir »).

Qu’est-ce que le « pot au noir » ?

Explication du Capitaine :

Dans l’atlantique nord et dans l’atlantique sud, il y a un anticyclone.

Celui du nord tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Celui du sud en sens inverse.

Dans la zone qui se trouve entre ces deux anticyclones, il y a moins, voire peu de vent ainsi que des grains orageux.


Cette zone se nomme « zone de convergence inter tropicale »
ou encore « pot au noir ».

Les navigateurs l’appréhendent tant pour l’absence de vent qui peut durer des jours (raison pour laquelle il est préférable d’avoir suffisamment de carburant), que pour la violence de ses grains.

Nous l’allons tester bientôt pour vous !

Une fois cette zone traversée, nous devrions trouver les alizés, vents réguliers et toujours dans le même sens - Le rêve !

Souhaitons juste qu’ils soient portants (c'est-à-dire dans le bon sens pour nous).

Petit message perso avant de clore cette journée :           

            Nous souhaitons un bon anniversaire à Minina !

Samedi 22 novembre
 

Point de 13 heures.

Position : 6° 49 N – 21° 29 W
Cap : 200
Distance parcourue : 470 milles


 

Vitesse actuelle : 4,2 nœuds au moteur

Durant la nuit, notre hypothèse sera confirmée. Nous sommes bien dans le pot au noir.

Nous essuierons deux orages.
Le deuxième, certes pas très violent, durera trop longtemps à notre goût.
Nous déciderons de "dégager".

Moteur – Direction : Est

Pour le Capitaine, ce sera : Nuit blanche sous de gros nuages noirs !

17 heures 30

Toute la journée, nous avancerons au moteur sous une pluie diluvienne et avec une houle qui nous donne le tournis.

  Les uns se réfugient à l’intérieur.
     Ceux qui ne supportent pas ce roulis se gèlent dehors.

Cette pluie interminable, cette houle et le bruit assourdissant du moteur pour une vitesse d’à peine 3 nœuds…

Nous sommes saouls et en avons plus que marre.

Même le Capitaine perd courage et foi en cette traversée.

Qu’est ce qui se passe mon Capitaine ?

« On n’avance pas, même au moteur.
      On ne fait pas de voile parce que pas de vent.

          J’en ai marre.
              Ce bateau est trop lourd et trop fatiguant. »

Nous passerons un long moment, tout deux assis dans le cockpit, nous apitoyant sur notre sort, envisageant même de changer de bateau.

Seule Candice demeure imperturbable.

Elle profite de cette journée pluvieuse, au moteur donc plein d’énergie, pour travailler comme elle aime : musique dans les oreilles.

Elle reprendra même ses cours de guitare abandonnés voici plus de deux ans.

Ah ! S’il pouvait pleuvoir plus souvent !?!


18 heures

Arrêt des machines. Le bruit est trop fatiguant

Avec un ris dans la grand-voile en prévision de la nuit, génois et trinquette, nous avançons maintenant aussi vite qu’au moteur (2,5 nœuds).

  « En voici un qui va encore nous tomber sur la g…. ! »

Une heure plus tard . . . Gagné !

Le vent monte subitement, avec un sifflement très caractéristique pour qui a passé deux étés au Sénégal.
Nous venons de "prendre" cet orage, pas très fort, mais suffisant pour perturber notre dîner.

Les heures qui suivent, nous sommes dans une lessiveuse.
Puis le vent cesse.
Moteur !

Dimanche 23 novembre – 8 heures

 

Encore une super nuit !

Cette fois, est parvenu à atteindre une vitesse de 5 à 6 nœuds.
     

Et pour cause…

Il est près de 5 heures lorsque Rémy me réveille et prend ma place toute chaude dans notre lit.

Grrrrr ! Je déteste ces moments là !

Le temps pour moi d’enfiler un tee-shirt et d’atteindre le carré, c’est une piscine.

Et la pluie entre de plus en plus par la descente.

Je m’apprête à mettre le nez dehors. Le bateau se met à giter soudainement sur tribord, alors que la grand-voile et la trinquette sont passées sur bâbord.

Je n’y comprends rien.

En même temps, la force de la pluie me rejette à l’intérieur.

Tout ceci après avoir dormi 3 heures, c’est trop pour moi.

Je reste tétanisée devant les marches de la descente et appelle Rémy.


Mais il est déjà derrière moi, ou plutôt sur moi qui suis toujours dans un état semi-comateux.

En un bond, il grimpe les marches, atterrit à quatre pattes dans le cockpit et parvient à choquer la grand-voile (c'est-à-dire la faire déborder le plus possible à l’extérieur afin de diminuer la prise au vent et permettre au bateau de se redresser).

Puis il enroule la trinquette. Par chance, vers 1 heure du matin, nous avions procédé à quelques acrobaties.

 

Anecdote :
Constatant que l’enrouleur de trinquette était coincé (la drisse d’enrouleur ayant la fâcheuse tendance à sortir de son logement et passer sous l’enrouleur), et la nuit ainsi qu’une houle forte constituant deux conditions suffisantes pour rendre dangereuse une ballade sur le pont, nous avions eu l’idée de passer par le hublot de l’atelier, à l’avant.

Qui est l’acrobate sur  ? …C’est ma pomme !

Me voici donc en petite tenue, parée de mon gilet de sauvetage, grimpant sur l’établi pour atteindre le hublot et l’ouvrir.
Je rampe ensuite sur le pont, m’agrippant à tout ce qui peut constituer une prise afin d’atteindre l’enrouleur et décoincer la drisse.
Pendant ce temps, Rémy est sous moi, me poussant tout d’abord par l’endroit le mieux adapté (!?) puis me tenant fermement par les pieds.

Notre tornade sévit toujours, plus violente que jamais.
La trinquette est enroulée.
Le moteur est allumé par sécurité mais au point mort.

Malgré cela, nous avançons à une vitesse de 6 nœuds.

La houle grossit et des vagues viennent éclater sur le pont.

Cette tornade atteindra les 60 nœuds de vent et durera plus de 2 heures sans jamais faiblir.

   Rémy ne pourra retrouver son lit, froid cette fois, qu’à 8 heures.

      Bilan de la casse : léger

- une attache de coulisseau
- un piston du rail d’écoute de trinquette
- notre réserve d’eau souple s’est ouverte et vidée.

Malgré nos craintes, l’éolienne a tenu bon.

Autant dire rien comparé à l’inquiétude qu’ont fait naître tous les bruits indéterminés entendus cette nuit là sur le pont.

Désormais, nous prendrons 2 ris dans la grand-voile pour la nuit.

«Ouais, la traversée c’est génial. Tu mets les voiles et tu ne touches plus à rien jusqu’à l’arrivée ! »

Que tous ceux qui ont proféré ces mensonges viennent nous les répéter !!!

Celle sur les Antilles, peut-être.
Mais d’après les témoignages d’équipages amis ayant fait récemment cette même traversée, celle pour le Brésil, on s’en passerait volontiers.

Candice et moi avons juré, en l’occurrence, qu’on ne nous y reprendrait pas.

 

. . . Le jour s’est levé.

La pluie s’est un peu calmée.
  La houle continue de nous secouer.
   La bôme recommence à grincer.
    L’intérieur est un véritable capharnaüm.
     Et notre vitesse, malgré voiles et moteur, est d’à peine 2,5 nœuds.

8 heures 30

La drisse d’enrouleur de trinquette est encore coincée.
Je réitère mon acrobatie, seule cette fois – le Capitaine a besoin de dormir - mais avec le harnais, puis je fixe solidement cette maudite drisse au winch.

Candice prend la relève.
Je vais rejoindre mon mari qui dort comme un bébé.

 

Point de 13 heures.

Position : 5°33N – 21°49 W
Cap : 200
Distance parcourue : 90 milles
Heures moteur : déjà 60 heures.

Vitesse actuelle : 3,7 nœuds


 

 

17 heures.

Rien d’autre à faire que dormir - Nous ne pensons qu’à cela désormais - Récupérer de ces nuits très mouvementées.


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