Séquence menuiserie…suite

Après une dernière semaine de février avec temps gris et beaucoup de pluie, annonçant peut-être l’automne proche, la chaleur est de nouveau  étouffante.

C’est le moment d’aller cuire dans l’atelier de menuiserie !

Le boulot que nous allons entreprendre maintenant nous vaudra des heures et des heures de réflexion, de remises en question, de calculs, de coupes et recoupes, de joint Sika noir plein les ongles, de bras ankylosés à force de tenir ces fichus "morceaux de bois" en attendant qu’ils daignent tenir seuls autour des hublots.

A vos mouchoirs !!!

Tout ça pour quoi ?. . . Pour un résultat moche et décourageant.

Explications

Avant de procéder à l’isolation des hublots du carré (ce qui n’avait jamais été fait, laissant ainsi passer froid ou chaleur et provoquant des coulées d’eau le long de l’acier), nous devons tout d’abord faire un encadrement en bois sur chacun d’eux afin de masquer la couche d’isolant de 5 cm d’épaisseur entre le hublot et le vaigrage.
(Note : Pour les non initiés, je précise une dernière fois que le vaigrage est le doublage décoratif que l’on pose sur les parois intérieures du bateau).

A l’aide de la défonceuse, Rémy pensait faire de jolis angles arrondis, pour suivre la découpe de la tôle autour des hublots.

Voici le prototype :

Pour ce faire, nous avons investi dans un joli bois clair, en tasseaux de 6 par 6 qu’il nous faudra couper en morceaux.
Pour le reste du cadre, aucun hublot n’ayant la même dimension, verticales et horizontales seront mesurées une fois ces angles posés.

Sauf que . . .

Sauf que ces tasseaux ont été taillés… à la serpe, probablement !

Non seulement la plupart d’entre eux sont déjà vrillés, les bouts ont été coupés de biais, mais en plus ils ne sont pas d’équerre.

Et, pour citer le Capitaine :

Des tasseaux « pas d’Eckert » chez nous, ça ne va pas du tout !

Nous tenterons donc tout d’abord d’en faire des tasseaux à peu près droits.

Notons que, ces tasseaux mesurant 2 mètres 50 de long – Mas o menos ! – et notre établi étant un peu court, il nous faut être 2 pour cette seule opération.


Puis, ces tasseaux ayant une épaisseur de 6 à 6,5 cm alors qu’il ne nous faut que 5,5 cm d'épaisseur ( !?), nous devons en raboter une partie.

Chacune de ces opérations se fera en 2 étapes car nous constatons que notre scie circulaire, fixée sous la table de sciage, ne peut couper qu’un maximum de 5 cm d’épaisseur.

Super !

Que celui qui a pensé qu’on n’y arriverait pas vienne me le dire !

Après chaque coupe, le pont est couvert d’une épaisse couche de sciure que nous tentons de balayer avant qu’elle ne s’infiltre à l’intérieur par les ouvertures. Mais c’est peine perdue.

Ensuite, le travail consiste pour notre heureux Capitaine à couper 64 morceaux de 6 par 5,5 qu’il travaillera méticuleusement – du moins il essaiera ! – afin de faire nos fameux angles de hublots.

Voilà qui est fait. Notre Capitaine est content de lui !

Une fois ces 64 jolis dès de bois coupés, Rémy fabrique un guide afin de les "passer" à la défonceuse et obtenir ces jolis angles dont nous avions rêvé… un peu trop vite.

La défonceuse est à son tour fixée sous la table de sciage. Rémy tente de creuser les angles en tenant chaque pièce de bois avec le guide, une fois d’un côté, une fois de l’autre...

Mais, la défonceuse ne pouvant couper qu’une hauteur de 2,5 cm à la fois, pour couper 5,5 cm dans un bois si dur, elle peine terriblement, l’angle n’est pas bon et la pièce finit par s’échapper sans prévenir.

Nous décidons de stopper l’opération.

Tant pis pour l’esthétique. Nous ferons des encadrements octogonaux.

Le bout du doigt de Rémy étrenne la lame de la fraise et, sans d’excellents réflexes, il aurait pu y laisser le doigt entier.

Chaque pièce de bois doit donc être recoupée en 2 pour former des carrés de 5,5 cm par 3.

Toujours confrontés à la hauteur de notre scie, nous nous mettons en quête d’une personne qui possèderait une scie plus grande.

Nous remercions très sincèrement Raoul, un marchand de bambou vivant de l’autre côté du Rio, qui nous a ainsi coupé, très aimablement et gratuitement, une trentaine de pièces.

Il nous faut aussi couper, à la scie circulaire (nous n’avons pas de scie à onglet), des angles à 45° sur les morceaux verticaux et horizontaux, après avoir déterminé la longueur de chacun selon le hublot sur lequel il sera appliqué.

De quoi s’arracher les cheveux un par un !


Nous en sommes à l’assemblage des cadres.

Sur la table, tout va bien.

Mais comment faire pour mesurer correctement puis positionner tous ces bouts de bois sur la tôle, sachant qu’aucun hublot n’a la même taille, que les angles sont arrondis, et que de gros boulons dépassent autour de chacun d’eux ?

Maintes solutions sont évoquées et testées…

Nous passerons ainsi des semaines à nous creuser les méninges, à faire des tentatives de coupe, d’angles, de vissage, puis finalement de collage, nous relayant pour tenir à bout de bras ce fichu bois qui ne daigne pas tenir en place…

…pour un résultat…

 …horrible !
Tout ce boulot…

Nous sommes découragés.

Des centaines de morceaux de bois numérotés traînent un peu partout et attendent que nous finissions de les coller. Nous devons également démonter 2 hublots qui laissent entrer l’eau…

Mais pour l’instant… Ras le bol !


Par contre, ce qui est certain est qu’après « ça », nous serons prêts à n’importe quel travail d’aménagement.

Nous reprenons des activités plus fatigantes mais moins stressantes.

Comme par exemple, pour moi, la peinture de notre cabine,  pour Rémy l’entretien de la coque qui est loin d’être terminé.

Et aujourd’hui, il faut en profiter.

Car sur tribord, notre annexe passe aisément entre et le bateau de notre voisin, au demeurant fort sympathique. Mais sur bâbord, le passage est plus étroit.

Or ce matin, notre voisin - celui que nous avons surnommé "El peñazo" (l’emmerdeur-orthographe en espagnol sous réserve, ma correctrice n’étant plus là ) qui partage avec nous, de bien mauvaise grâce, le petit ponton qui nous relie à la terre – s’en est allé pour une journée de pêche sur le Rio de la Plata - Beurk !

Comme ce cher homme ne sort son bateau du club qu’environ 4 fois par an (ce qui est beaucoup comparé aux autres propriétaires, diraient les mauvaises langues !), Rémy saute dans l’annexe pour poursuivre ponçage, masticage et traitement de la coque sur bâbord.

Ne pouvant traiter toute la coque en une seule fois, il a décidé de repérer les différentes couches de traitement appliqué en mélangeant divers colorants à sa peinture.

Ainsi, notre bon prend des couleurs d’arc en ciel et se distingue ô combien des yachts voisins.

Us et coutumes : Chaque week-end, il nous est facile de savoir par avance si un bateau va être occupé.
En effet, avant l’arrivée du propriétaire, un employé vient ôter l’immense bâche qui recouvre tout le pont. A la fin du week-end, le même homme viendra remettre la bâche pour une semaine ou quelques mois.

Mais dans la soirée, notre voisin revient. Nous devons trouver une autre occupation.

Que pourrions nous faire Chéri ?… !

Tiens, si on attaquait le futur atelier !

Début des travaux dans la cabine arrière

Notre atelier se situait jusqu’alors dans la pointe avant. Loin du moteur, difficile d’accès en navigation et pas très pratique, nous avons décidé de le transporter à l’arrière, dans notre cabine "amis - garage - grenier - cave - atelier".
Nous y installerons les instruments de navigation ainsi que la table carte, en faisant en sorte de pouvoir nous asseoir devant, ce qui, aussi bizarre que cela puisse paraître, n’est pas du tout le cas de la table à carte actuelle.

Vous comprendrez pourquoi en constatant sur cette photo l’exiguïté du lieu :

Dans cette cabine arrière, nous ferons aussi et surtout un grand accès moteur, ce dont rêve notre Capitaine depuis 5 ans et demi.

Vous pouvez aussi constater qu’en ce moment, cette table à carte, puisqu’il nous faut l’appeler ainsi, est devenue une table à outillage.

Pour l’accès moteur, ces travaux sont indispensables.

Pour la table à carte, elle sera accessible car à l’entrée.

Mais je me demande encore comment notre Capitaine va pouvoir faire entrer son grand corps au fond de cette cabine arrière pour accéder à tout ce qui sera matériel de bricolage.

Mais il l’a voulu ainsi et on ne contrarie pas un Capitaine !


Quoiqu’il en soit, les travaux prévus sont titanesques.

C’est simple, nous devons tout casser pour tout refaire.

Pour l’instant, nous commencerons, là encore, par coller des tasseaux sur la paroi en acier puis isoler le côté cockpit qui ne l’était pas vraiment, notamment après les transformations faites l’an dernier sur les bancs du cockpit et donc le plafond des cabines.

Et quand le Capitaine ne passe pas, c’est le second qui s’y colle… comme d’hab !

On mesure...on coupe...on encolle...on pose...et on attend que ça prenne...

Oh, qu’il est gentil mon Capitaine !

Alors que je cuis à feu doux au fond de cette cabine, il m’installe gentiment le ventilateur.

J’ose espérer que cette touchante attention ne tient pas au seul fait qu’il y ait encore d’autres endroits exigus dans le bateau ?... !

Mais en effet, nous sommes en mars, pourtant il fait toujours très chaud. Et cette cabine est un vrai sauna.

A propos de temps…

Et l’automne alors. Y-en a pas dans ce pays ?


Surprenant
 :

Dimanche 13 mars, nous sommes à quelques jours de l’automne.

Hier il faisait 34°C. Ce matin, le thermomètre affiche 17°C.

Ce changement est très brutal et nous avons quelques difficultés à supporter ce froid soudain, sans aucune transition.
Cela ne durera pas. Jusqu’à la fin du mois, les journées redeviendront très clémentes avec toujours près de 30°C. Mais les soirées seront de plus en plus fraîches.

Nous pouvons enfin dormir sans étouffer, mais les sorties nocturnes vont être de plus en plus difficiles.

Et pourtant . . .

Allo… t’es là ?...

Nous allons simplement tenter de nous connecter sur Skype
afin de discuter avec notre fille.

Depuis le départ du mousse, nos sorties nocturnes sont en effet fréquentes.

Non que nous allions faire la "fiesta" tous les soirs. Nous sommes bien trop fatigués pour cela.

Nous sommes parvenus à trouver un horaire qui nous convienne tous les 3.

La plupart du temps, si elle a "un creux" ou n’a pas cours l’après midi, nous allons nous connecter à 20 heures 30, ce qui fait 12 heures 30 le lendemain pour Candice.

Dans les premiers temps, nous allions dans le seul endroit ouvert à une heure tardive : la station Shell au centre ville.

Mais le soir et les week-ends, les lignes sont probablement saturées. Impossible de nous connecter alors que notre fille attend cet appel avec grande impatience.

Rémy a alors une idée.

Si nous tentions de capter un réseau Wifi avec le PC et l’antenne ?

Pour notre première tentative, nous restons dans la zone des ateliers, non loin du ponton.

Nous ne sommes pas très bien installés, nous captons mal, la communication est souvent interrompue. Mais nous parvenons à nous parler.

Le deuxième soir, nous allons un peu plus loin, au coeur même du Puerto de Frutos (zone artisanale très fréquentée le week-end).

Nous nous installons sur un banc…

...ça marche beaucoup mieux...

...et c’est très discret ! …?

C’est encore plus discret lorsque nous nous y installons un jour de semaine et réalisons, une fois assis, qu’il s’agit d’un jour férié.


C’est Carnaval – 2 jours fériés – les Porteños sont de sortie !

Touristes et Porteños se sont en effet donnés rendez-vous au Puerto de Frutos et se promènent les bras chargés de bambous, plantes, paniers en osier, petits meubles et accessoires soi-disant décoratifs (!).

Autour de nous, il y a foule.

Nous sommes sur notre banc, l’ordinateur sur les genoux, l’antenne levée à bout de bras, parlant à haute voix à notre écran, en Français…

Imaginez ceci : 

…la foule en plus !!!


Les gens nous regardent sans aucune discrétion.

Nous avons l’impression d’être au zoo et attendons les cacahuètes.

Nous élirons domicile sur ce banc 3 ou 4 soirs par semaine et parviendrons, au fil des jours, à remonter le moral de notre pauvre mousse seule au bout du monde.

Puis, tandis qu’à Tigre la température chutera, le moral de notre mousse remontera …

Désormais, les soirées sont de plus en plus froides et le banc en béton, en plus d’être dur, gèle les parties tendres de notre anatomie.

Nous sortons les vestes polaires et notre sac à dos grossit de jour en jour.

PC portable, antenne Wifi et une couverture pour protéger du froid nos fragiles postérieurs.

Aller discuter avec notre fille s’avère donc une véritable expédition.

Quant aux mardis, c’est pire.

Le seul après-midi de la semaine où notre fille n’a pas cours est le mercredi. Soit mardi soir pour nous.

Or le mardi, au club, point de lancha.

Chaque mardi soir donc, nous prenons l’annexe, traversons le Rio et entrons dans le petit bras fermé qui entre dans le Puerto de Frutos.

Le long des quais sont alignées les barges qui chargent et déchargent bois, cailloux et autres matériaux.

Nous nous amarrons à l’une d’elle et tentons de nous connecter.

Les artisans commencent à nous reconnaître et nous saluent, trouvant probablement très curieux ces deux étrangers qui parlent à un ordinateur, assis dans une annexe.

Nous rentrons 2 heures plus tard, courbaturés et transis, mais heureux d’avoir pu parler avec notre fille et entendre son sourire qui revient peu à peu.

Pour ce qui est de sa nouvelle vie chez les Kiwis, nous tâcherons de consacrer des pages spéciales dès que le temps nous le permettra. Nous préparons même à cet effet une nouvelle page d’accueil afin d’y insérer une rubrique spéciale sur la vie de notre mousse au pays des Kiwis.


Pour résumer, disons que la séparation, étonnement, fut plus difficile encore pour le poussin que pour la poule.

Mais à force de courage et de soutien (un grand merci à ceux qui ont pris la peine de lui écrire), et surtout avec un peu de patience, ce dont notre fille manque passablement, son moral est remonté peu à peu et Candice a retrouvé son sourire.
Quant à ses études, après un grand stress dû à la crainte de ne pas comprendre les cours exposés en anglais, tout se passe pour le mieux.

Anecdote : Honte à toi, ma fille !

N’entendant et ne pratiquant que l’anglais, Candice a éprouvé un grand soulagement en rencontrant des hispanophones.
Sachant comme elle aime cette langue, nous sommes ravis pour elle.
Mais nous ne pouvons que la blâmer lorsque, rencontrant des Chiliens – aussi adorables expatriés que chez eux, nous dit-elle – ceux-ci lui disent :

Ah, tu es Française ?  C’est curieux, tu as pourtant l’accent argentin (!!!).
Devant nos têtes de zombies, vous remarquerez aussi combien nous sommes fatigués !
 

 

 

 


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