Un voyage infernal
7 heures dans un bus « Cama », bus à étage, aux sièges larges, correspondant à un bon niveau de confort en Argentine.
Cuzco est située à environ 400 kilomètres, au nord-ouest de Puno.
Le voyage en bus ne dure pas moins de 7 heures.
7 heures d’un enfer qui marquera nos esprits, nos odorats et nos intestins.
Car nous sommes au Pérou, dans un pays où le bruit est roi et où le mot confort n’existe probablement pas.
Après avoir attendu les retardataires éventuels dans la gare de Puno, nous attendrons de nouveau, à peine passée la grille de la station, que d’autres personnes montent (la plupart des passagers évitent ainsi les taxes d’utilisation de la gare routière).
Un homme a pour bagage un lit cosy (si vous avez déjà dormi chez vos grand-mères, vous devez connaître ces adorables lits encadrés par un meuble en bois, avec petits placards et étagères sur toute la longueur et parfois à la tête).
Le matelas, le sommier, le cosy…… Après bien des tracas pour tout faire entrer dans la soute à bagages et les sifflements de quelques passagers impatients de partir, le lit est enfin embarqué.
Nous pouvons reprendre la route.
Là où commence l’enfer.
Dès le départ, notre chauffeur mettra la main sur le klaxon pour ne plus l’ôter jusqu’à l’arrivée.
En traversant chaque carrefour, en croisant chaque voiture, chaque mobylette, chaque vélo, dès qu’il y aura un adulte, un enfant ou un simple chien sur un trottoir…
Pouêt-pouêêêt… Pouêt-pouêêêt…
Chacun aura droit à son double coup de klaxon.
Quant à nous qui subissons déjà une chaleur étouffante sans même pouvoir laisser les fenêtres ou le lanterneau ouverts, avec ces coups d’avertisseurs incessants…
Nous n’en pouvons plus.
A chaque arrêt, des femmes investissent les couloirs les unes derrières les autres et tendent sous nos nez des sandwiches, des verres de gelée rouge ou verte, du fromage, des bananes…
Il fait de plus en plus chaud. Les odeurs sont de plus en plus insupportables. Moi, je suis de moins en moins bien.
Plus les heures passent, plus j’ai la nausée et les intestins en vadrouille.
Le distributeur d’eau est cassé. Les toilettes sont hors service.
Peu de temps après, Rémy prend le relais.
Lui aussi ne va pas bien du tout et son état empire d’heure en heure.
Qu’avons-nous attrapé ? Aucune idée !
La cause de notre mal est peut-être la chaleur. Nous l’espérons.
Heureusement, pour une fois, Candice ne semble pas atteinte.
Il est 13 heures 30 – Encore 2 heures de trajet.
Le couloir est plein. Pourtant, à chaque arrêt, dans chaque village, les gens continuent de monter.
On se tasse… on se tasse…
L’air devient irrespirable.
Ras le bol !
15 heures 30 sonnent la fin du calvaire - Nous sommes à Cuzco.
Cuzco
Nous sommes toujours dans les Andes. Comme dans la plupart des villes de cette région, les rues de Cuzco montent en pente raide.
Nous sommes épuisés, liquéfiés. Rémy et moi n’avons qu’une hâte, nous allonger.
Seule Candice maintient la forme. Et, même si elle est fatiguée elle aussi, elle se charge des bagages les plus lourds.
Aussi, n’hésitons-nous pas une seconde à prendre un taxi pour le centre ville.
Le passage de la frontière entre Bolivie et Pérou commence alors à se faire évident.
La mentalité des gens n’est vraiment pas la même.
Nous indiquons au taxi l’adresse d’un hôtel préconisé par notre guide. Mais le chauffeur veut absolument nous conduire à une autre adresse (à savoir que, par la suite, quelque soit le lieu, tous les chauffeurs de taxi nous exaspérerons avec ce même comportement).
Nous lui tenons tête. Cela ne lui plait pas du tout.
Résultat : il nous arrête en bas d’une rue, décharge nos bagages et nous montre l’hôtel là bas, tout en haut de cette même rue.
Soit ! Nous montons la côte à pied.
Nous frappons à la porte de l’hôtel où nous devrions trouver charme et sympathie (dixit notre guide).
Pour le charme, nous n’aurons pas l’occasion d’en juger.
Pour le reste, notre guide devrait probablement revoir sa copie.
Une espèce de chienne de garde entrouvre à peine la porte et nous lance : Complet !
Nous tentons d’insister, souhaitant savoir si nous aurions une chance d’obtenir une chambre les prochains jours. Mais la porte est déjà refermée.
Nous redescendons, avançant péniblement sur les gros pavés irréguliers de la ruelle, et nous mettons en quête d’un autre hébergement.
Nous acceptons la première chambre libre. Celle-ci est aveugle. Au grand dam des propriétaires, un mur a été élevé à 30 centimètres de leur établissement.
Mais la chambre est propre. Il y a une salle de bain privative. Et les propriétaires sont très gentils.
Ça fera l’affaire pour ce soir. Nous aviserons demain !
Nous nous affalons sur les lits et parviendrons à franchir la porte, uniquement pour aller dîner - rapidement et très légèrement - dans un petit restaurant en bas de la rue.
Mercredi 26 mai 2010
Après une infusion de muña (très efficace) et une excellente nuit, nous allons un peu mieux.
L’hôtel ne proposant pas le petit déjeuner, nous "tapons" dans notre petit stock et utilisons une fois de plus notre petit chauffe-eau électrique – accessoire devenu indispensable – afin de boire un café et mieux affronter la visite de cette ville dont les rues empierrées et à pic vont encore avoir gain de nos forces.
Avant de quitter l’hôtel, nous montons sur la petite terrasse pour admirer la vue sur les toits de Cuzco.
Dans la même rue, nous trouvons une chambre dans un établissement qui fait à la fois hôtel et auberge de jeunesse.
C’est bien plus lumineux, le prix est correct, mais c’est très sale.
Lorsqu’il pleuvra, l’eau coulera un peut partout sur la terrasse couverte, devant notre chambre, remplissant des bassines posées ça et là à cet effet.
Décoration "à la péruvienne" !?!
Toutefois, nous pouvons là encore disposer d’une chambre pour 3 et d’une salle de bain privative. En l’état actuel de notre santé, cela est préférable.
Petit avantage, le petit- déjeuner est inclus dans le prix.
On oublie seulement de nous dire que celui-ci sera servi sans aucun enthousiasme par une jeune femme des plus revêches.
Nous nous installons pour quelques jours et partons visiter la ville.
Visite de Cuzco
Située à 3400 mètres d’altitude, Cuzco est appelée « la Rome des Incas ».
Cuzco signifie « nombril » en quechua.
Cette ville fut en effet la capitale de l’Empire inca, le « nombril » des Andes.
Après avoir descendu rues en pentes et escaliers, nous arrivons en bas, au centre de la ville, sur la place d’Armes aux pavés réguliers.
Nous découvrons une ville coloniale avec une belle architecture, des alignements de balcons en bois sculpté, de belles places avec de beaux pavés.
Mais ces grands édifices, comme la cathédrale et autres nombreuses et somptueuses églises, ne sont pour nous qu’un triste rappel de l’histoire. Et tout l’or, tout le luxe que ces églises proposent d’admirer ne font qu’ajouter à l’amertume lorsque l’on sait combien les connaissances incas auraient pu servir le monde si ces Conquistadors ne les avaient réduites à néant.
Et Cuzco, plus qu’une autre, est le triste témoin de cette destruction.
Car en effet, si les espagnols s’installèrent à Cuzco et y laissèrent la marque de leur richesse, cette ville fut aussi une cible privilégiée dans leur volonté d’anéantir la culture inca.
Les seuls vestiges de la civilisation inca sont ces murs de pierres que l’on rencontre parfois le long des trottoirs, sur les hauteurs de la ville.
Ces pierres parfaitement lisses, imbriquées les unes aux autres, sont typiquement incas.
Hélas, il s’agit là des rares vestiges incas laissés par les espagnols. Quant aux palais incas, ils n’en reste que les fondations sur lesquelles se sont appuyées les « nouvelles » constructions espagnoles.
Tout le reste a été détruit.
Notre avis sur Cuzco
Si nous sommes d’accord avec notre guide lorsqu’il préconise de « grimper ruelles et escaliers à pas très mesurés, en respirant doucement et en s’imposant des arrêts fréquents. », nous le sommes beaucoup moins lorsqu’il s’agit de l’ambiance de cette ville, « …l’un des rendez-vous favoris des routards… chaleur des habitants… Il y a des villes où l’on ne fait que passer. D’autres où l’on aime séjourner. Cuzco est de celles-ci ».
En ce qui nous concerne, nous y rencontrerons surtout cet esprit commun à la plupart des villes touristiques.
Des gens stressés, des vendeurs insistants, des commerçants peu aimables, des serveurs collants qui en font "des tonnes" pour imiter peut-être, mais avec quelle maladresse, l’image qu’ils se font du service à l’européenne.
Abhorrant plus encore cette attitude superficielle et intéressée depuis notre passage en Bolivie, Cuzco ne sera donc qu’une étape nous permettant de visiter les différents sites incas dispersés ça et là dans cette vallée magnifique.
Et c’est bien malgré nous que nous prolongerons notre séjour dans cette ville sans âme et dans cet hôtel crasseux.
Anecdote : A propos de crasse.
Le marché de Cuzco est à visiter absolument. Il dépasse largement tout ce que nous avons pu voir jusqu’à présent.
On y procède au meurtre prémédité de centaines de personnes. Ceci grâce aux saucisses.
Celles-ci sont confectionnées sous l’œil des futures victimes, en malaxant de la chair qui traîne dans des pots dégoûtants, avec des mains qui n’ont pas pu voir une goutte d’eau depuis le matin puisqu’il n’y a pas un seul robinet dans les parages.
Le lendemain…
Nous, on n’a pas mangé de saucisse. Promis !
Pourtant, nous n’avons toujours pas la grande forme.
De plus, le temps n’est pas du tout propice à la visite des ruines.
Après une nuit des plus fraîches, nous nous levons avec la pluie.
Puis ce sera la grêle.
De gros glaçons frappent les toits dans un vacarme assourdissant.
Avec la pluie, des odeurs fétides remontent dans les chambres.
Impossible de prendre une douche. L’eau est à peine tiède et le vent s’engouffre par les vitres cassées ou par les encadrements disjoints.
Tout va pour le mieux !
Il ne pleut jamais en cette saison, nous dit-on.
Alors, nous n’avons pas de chance.
...nous passons la journée à lire dans la chambre...
Puis, malgré une météo peu optimiste,
nous décidons de visiter demain les ruines de la région . . .
Aussi, à part la visite d’un ou deux musées et un petit tour dans les boutiques de la ville…