Une traversée inoubliable !


Nous sommes donc le jeudi 23 août 2007.

Quittant, contraints et forcés, mais surtout très déçus, Dakhla et nos chers amis marocains, nous partons pour 5 jours de mer.

570 milles – Sans prévisions météo - Sans avoir pu prévenir famille et amis - Sans l’avitaillement nécessaire (fruits ou légumes frais, viande, œufs, laitages, pain…).

Fort heureusement, les cales de sont toujours bien garnies.
Nous ne mourrons pas de faim !

La vie à bord reprend son cours.

Corvée de boulange    pour le second

et préparation de quelques douceurs     pour remonter le moral des troupes.

Notre petit mousse perfectionne malgré tout son Arabe par un froid auquel nous ne sommes plus accoutumés.

 
Le skipper quant à lui met à jour le livre de bord et "potasse" les infos sur le Sénégal.
 

Quant à la pêche, 24 heures plus tard nous avions déjà perdu 3 bonites, un appât et une ligne entière.
Notre dernière prise s’avérant impossible à ramener, nous avons affalé le génois afin de diminuer la vitesse du bateau.
Lorsque, enfin, ce fut chose faite, il ne restait qu’un morceau de mâchoire accrochée à l’hameçon.

Nous allons trop vite pour pêcher et l’idée de laisser en vie ces pauvres poissons estropiés nous est insupportable.

Les lignes reprennent donc leurs places dans leur boite !

Ayant prévu suffisamment de citrons pour faire mariner un banc de dorades, nous avons de quoi concocter bon nombre de ti’punch !!!

En ce qui concerne les ennuis matériels si chers à .

Notre pilote in-board ne fonctionne pas depuis La Gomera (signal : "pas de réponse de barre" - probablement un fil déconnecté).
Même si nous repoussons sans cesse cet instant, nous devrons réparer durant la traversée. C’est à dire vider une fois encore notre cabine " garage" afin que Rémy fasse un tour dans la "cave" - son coffre moteur préféré.
Aussi utilisons-nous notre pilote de barre SANS le compas intégré (!?) – plus justement avec son compas faux, ce qui revient au même - donc sous haute surveillance, subissant des écarts de cap de grande amplitude allant parfois jusqu’à 90°.

Non, non. Ce n’est pas une erreur !

Avantage : Il consomme beaucoup moins d’énergie.
Et pour l’instant, c’est ça ou barrer !

Depuis ce départ pour le moins inattendu, alors que nous voulions compléter nos réserves d’eau avant Dakar, notre dessalinisateur ne crache que de l’air.

Un élément positif toutefois. Depuis Dakhla le vent est avec nous. Nous avançons sous génois seul avec une moyenne de 5,5 nœuds, nous éloignant des côtes mauritaniennes réputées dangereuses (peu de fond et embarcations de pêche nombreuses).

Nous aspirerions juste à quelques degrés de plus. Car depuis Dakhla, le climat tropical, nous ne l’avons pas bien senti !

Samedi 25 août -16 heures

Il reste 337 milles soient  un peu plus de 67 heures.

Nous ne parvenons toujours pas à réaliser que nous faisons route vers le Sénégal.

Notre pauvre petit pilote tient le coup malgré tout et nous dirige à une vitesse moyenne de 5 nœuds, toujours avec quelques écarts de cap.

Si vous ne nous croyez pas, en voici la preuve :
   

Pour les non initiés, ceci est un GPS portable (l’autre étant H.S.).
Cet appareil indique de haut en bas : le cap à suivre – le cap suivi – la vitesse – les milles restant à parcourir.

Il ne fait ni la lessive, ni la cuisine…Dommage !!!

Aujourd’hui, nous avons essayé d’installer le tangon.

Le tangon est ce gros machin mesurant 6 mètres de long et pesant 3 tonnes ! 

« Le génois déventant souvent, cela devrait permettre de le maintenir gonflé » – a dit le Capitaine.

Et comme le second doit toujours obéir au Capitaine…

Ok – On y va !

Après ¾ d’heure d’exercice sur le pont…

Et que je m’accroche ici… Et que je rampe là… Et que la drisse se coince… Et que l’autre s’envole…
… Le tangon est enfin installé – Ouf !

À peine 10 minutes plus tard, nous enlevons tout.

Notre première impression est confirmée. Ce tangon est trop lourd et surtout bien trop long. Il déborde l’étai de génois d’au moins 80 cm. Impossible donc de border ce dernier.
Il aura droit à un bon coup de tronçonneuse.

Allez chef ! On a bien mérité un bon thé à la menthe.
Et puisque les marocains n’ont pas voulu de nous, ce sera du tunisien…Na !

…Allhamdoulilah !

Enquête :

Comment va l’équipage de après 5 jours de mer ?

Le skipper semble heureux et trouve que la mer est calme ( Ah bon ?!).

    • Vos impressions après ces 5 jours, cher skipper ?

    • Ça va… je prends le rythme… c’est bien…

    • Heueueu…un peu plus développé s’il vous plait ?

    • Chmlxgmmm…On a l’impression d’être hors du temps. J’aime bien.
Notez que le skipper a parlé sur le site !!!

Notre petit mousse est enfin réveillé – Normal ! Elle a veillé jusqu’à 8 heures du matin, voulant probablement rattraper la nuit précédente où, ne pouvant dormir, je lui avais piqué le quart !

    • Vos impressions petit mousse ?  
    • Grrrr…Fichez-moi la paix ! – Pffouou, ça remue… Dire qu’il y en a qui achètent un rocking-chair !
    • Bon ! On va attendre un peu, hein ?!!!

Quelques heures plus tard, notre mousse nous écrit ses impressions :

« Le temps est suspendu. Chacun vit à son rythme. On se laisse porter par le temps tout comme le bateau se laisse porter par les vagues.
Au port, on vit au jour le jour. On profite au maximum des minutes qui passent, car on sait que dans quelques jours, quelques semaines, tout prendra fin. On partira et on connaîtra d’autres choses, peut-être aussi bien, mais ces moments-là seront perdus à jamais.
En mer, il n’y a rien à faire. Rien dont « profiter ». On laisse couler le temps. On pense à tout et à rien. A tous ces petits riens qui font notre vie, et les minutes passent, parfois les heures, nous sommes plongés dans un coma profond et, malgré la présence de l’équipage, nous sommes seuls face à nous même.»

Et bien ! Ça valait le coup d’attendre, hein ?!
Merci petit mousse. Tu reviens quand tu veux sur le site !

Au second maintenant – Moi, en l’occurrence !

Aujourd’hui, le second râle.

Mais avant de poursuivre et afin de m’assurer que vous saisissiez bien la suite, j’aimerais beaucoup que vous regardiez ce film 2 ou 3 fois en boucle.
Si vous ne pouvez le lire, regardez simplement la photo durant 3 minutes montre en main.

(taille: 485 ko)

Lassant…Hein ?!

Et bien, sachez que ce film, cela fait plus de 100 heures que nous l’avons sous les yeux, nuit et jour.

Bon, d’accord...

...La nuit, ça change...    ...!?

Vous comprenez que la mer, ça commence à bien faire.

Mais surtout j’ai le dos en bouillie. Les muscles travaillant sans cesse afin de parer les mouvements du bateau, nous devrions avoir nos chances au prochain concours de body-building !

C’était la parole de l’équipage.

Dimanche 26 août – Jour spécial.

Cette nuit, impossible de dormir tant nous roulions.
Résultat, aujourd’hui, c’est le Capitaine qui râle – Chacun son tour !

Il est 9 heures – Il reste 247 milles soient environ 50 heures de navigation.

Rémy m’annonce qu’aujourd’hui, nous avons une mer agitée à forte.

Ah bon ?

Les vagues sont grosses, certes, mais pas tant que cela je trouve.

M’habituerais-je ?!

Pour parfaire la mauvaise humeur ambiante, au petit matin, une énorme vague entre dans le carré, via le hublot. Une autre trempe la cabine de Candice via la bouche d’aération.
Plus tard, une autre plus vicieuse encore, arrivant par l’arrière du cockpit, vient  inonder une seconde fois le carré.

Dire qu’on avait peur de s’ennuyer !

Soudain, en fin d’après-midi, plus une once de vent. Après 3 jours de voile, nous sommes contraints d’allumer le moteur.

Désormais, le climat tropical, nous y sommes. Il fait très, très chaud. Le carré est un sauna et le cockpit intenable.

Nous brûlons. Nous réinstallons notre taud de fortune.

Bon, ça fait un peu « La famille Bidochon en vacances ».
Mais c’est efficace.

Je sais. Pour l’instant, vous vous demandez en quoi ce dimanche est spécial ?
J’y viens.

Y’a pas le feu tout de même ?!

Nous sommes le 26 août.

Si vous êtes des lecteurs assidus de ce site et avez un tantinet de mémoire, vous devriez savoir que…

…nous fêtons aujourd’hui nos 18 ans de mariage.

Ce sont les noces de turquoise parait-il.

Pauvre chéri, il va s’en voir pour trouver des turquoises au Sénégal !

En attendant, ne voyant aucun restaurant ouvert dans les parages ( !), nous décidons de nous offrir un petit festin à bord de .

Au Menu :

Foie gras


(merci nos amis les Corses !)

 Confit de canard
(délicieux, Maman !)

Gratin dauphinois
(de moi !)

Sauvé in extremis de la gite, terminé à la poêle  et qui fit l’unanimité.

Et le dernier fruit frais du bord.

  

« Mmmm...Choyeu'g'anniverchaire chéri(e) ! »

Lundi 27 août – Le début d’une traversée extraordinaire !

La mer est très calme – Toujours pas de vent.

Et le lundi, c’est jour de lessive. On ne déroge pas à la règle !

Plus sérieusement, le dessalinisateur fonctionnant de nouveau (un tuyau bouché), nous profitons de cette eau douce et pure à portée de main, sachant qu’à Dakar, le plein se fera au bidon et en annexe.

Au début :

                                

A la fin :       

Notre vitesse étant réduite, nous remettons la ligne à l’eau et – ô miracle – ça mord !

Cette dorade énorme a sauté dans le plat de « feu le gratin dauphinois » (qui trempe depuis la veille !), qui a lui-même sauté dans le four !

Formidable, non ?


Bon, je vous entends d’ici : "Danièle, cesse donc tes élucubrations !"

Mais il faut bien s’occuper !!!

Ceci dit, cette dorade est vraiment énorme.

Dites, pourquoi c’est toujours les hommes qu’on prend en photo avec leur trophée ?
Après tout, c’est moi qui l’ai remontée cette dorade.

D’accord, je ne l’ai ni tuée, ni vidée, ni découpée.

Allez mon chéri, une autre pour la route.

Mais oui, elle est magnifique ta dorade !

C’est toujours avec une mer calme mais cette fois, sans moteur, que nous savourons, dans un recueillement total, le deuxième festin de cette traversée à bord de .

Et ça, c’est moi qui l’ai fait !
Façon Brigitte (Fleur de Méninges),  au four, farcie d’ail et épices diverses.
Mmmm… Quel délice.

Et il en reste encore pour une bonne marinade au citron (nous n’avions pas encore bu les ti’punch !) et nous allons même pouvoir tester la conserve de poisson.

De quoi honorer encore la table de lors de futures traversées.

Anecdote :
Ayant pressé les citrons pour la marinade, je dépose sur la table du cockpit l’assiette pleine d’écorce et de pulpe afin que Rémy jette  ces déchets à la mer.
De dos aux filières, il prend l’assiette.
Content de lui et dans un grand élan, il lève l’assiette au-dessus de sa tête afin de tout envoyer par-dessus bord… mais de dos.
Il a oublié que la bôme, juste au-dessus de lui, était basse.
Son bras heurtant cette dernière, l’assiette toujours dans la main, il y eut un vol de citron dans tout le cockpit et sur la voile.

  

Nous avons bien cru que Candice, tout juste levée pour déjeuner, couverte de citrons, allait mourir de rire !

Le lendemain, même temps, même rythme.

Vous me servirez le petit déjeuner en terrasse, s’il vous plait !

Un gros poisson tout rond et d’un violet éclatant danse longtemps devant l’étrave, accompagnant, tel un dauphin, dans cette mer d’huile.

Le premier qui me traite de gros poisson… !!!

Je m’amuse à l’observer espérant qu’il n’aura pas la fâcheuse idée de passer sur l’arrière et se prendre dans notre ligne.

Il reste 44 milles.

Calculant que notre faible vitesse risque de nous amener à Dakar de nuit, nous nous permettons même de mettre en cape sèche (vitesse zéro).

Ce sera une journée douches, coiffeur, baignade et détente totale.

 

 

 

 

L’eau à la température du bain. J’ai envie de crier de bonheur.
Pardon… J’AI crié de bonheur !

En fin d’après midi, afin que tous puissent être présents pour l’arrivée sur Dakar, nous décidons de repartir. Nous remettrons à la cape vers la pointe du cap vert.

Nous réveillons une belle tortue qui, placidement, se met à nager vers nous.

  
Au loin, des dauphins et des globicéphales. Il ne nous manque que la baleine !
Nous aimerions que cette journée ne cesse jamais.

Les " Vent de Folie " sont tout simplement heureux !

 
 
Les couleurs de ces photos sont tout à fait naturelles.

Après tout ce que j’ai pu dire et penser de la navigation, je dois admettre que ces 2 derniers jours s’inscriront dans ma mémoire comme un grand moment de bien-être, de sérénité, de bonheur et de paix.

Je suis bien ! Je n’ai aucune envie d’arriver à Dakar !

 

Cette fois, je prends le premier quart de veille.

Candice, souhaitant être présente pour l'arrivée sur Dakar, propose de se lever à 5 heures du matin - Quoi ?! - Comment ?! - afin de laisser dormir Rémy jusqu’à l’arrivée sur la pointe du Cap vert.

C’est alors que, pour moi, le stress recommence.

Je dois mettre à la cape durant mon quart.

Et tous deux de m’expliquer :

Alors c’est simple : à 15 milles des côtes, tu déroules la trinquette du côté du vent, tu ralentis le moteur, tu laisses la trinquette se mettre à contre et tu tournes la barre en sens inverse. Le bateau s’arrêtera.

Pardon ? Vous pouvez répéter la question ?
Ces 2 êtres que j’aime tant n’ont vraiment aucune pitié pour moi !

Je prends donc mon quart et, comme par hasard, nous essuyons notre première pluie tropicale.

   Quelle veine !?
Le cœur battant la chamade je réussis toutes les manœuvres… Nous sommes à la cape - Ouf !

Mais alors se met travers à la houle et celle-ci ne nous laisse aucun répit.

4 heures du matin, nous partons - Moteur -Vent de face - Vitesse 3 nœuds.

Nous sommes tous trois sur le pont, sous une chaleur étouffante et un soleil brûlant, pour notre arrivée sur la presqu’île du Cap Vert.

 

Mercredi 29 août.
Voici 2 ans que nous en rêvions.
Nous sommes arrivés au Sénégal.

Presqu’île du Cap Vert

Il est 7 heures.

Les pirogues entament leur ballet, nous saluant au passage.

 
  
  Devant nous Les Mamelles et son phare.            
                                La petite île de N’Gor    
Puis nous contournons largement la Pointe des Almadies et ses dangereuses épaves à fleur d’eau.
 

 

Le Cap Manuel

Un petit cours d’histoire à notre petit mousse sur la tristement célèbre mais superbe île de Gorée, autrefois lieu de rassemblement des esclaves avant leur départ pour un bien terrible destin.

 

 

Un joli cumulus accueille notre arrivée.
    

Cette épave squattée par les cormorans semble indiquer l’entrée du mouillage, incitant les navigateurs à ne pas naviguer de nuit dans les parages.

Nous y sommes.

Voici le mouillage du CVD (Club de voile de Dakar) où nous devrions passer quelque temps pour cause de travaux….encore...


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