Royaumes et fétichisme.

 

 

Dans les pages sur la Casamance, je vous avais promis de vous parler de la circoncision.

Je vais donc tâcher de le faire.

La population est très pudique sur le sujet et cette initiation des jeunes est entourée de bien des secrets auxquels n’ont accès que les anciens, les initiés.
 
Sachez donc qu’il a été très difficile d’aborder ce sujet et de réunir un maximum d’informations. D’autant que, selon les régions, les rituels varient.

« Chaque Royaume a ses traditions » nous dit-on.

*

La circoncision donne lieu à une grande fête dont les gens parlent longtemps et dont ils sont fiers de montrer à qui veut les voir des photographies de cette journée essentielle dans la vie d’un africain.

Mais cette fête n’a lieu qu’après la cérémonie de la circoncision.

Le bois sacré.

Avant d’être circoncis, les enfants sont amenés dans le bois sacré.

Ils sont vêtus uniquement d’une culotte et d’un bandeau autour de la tête. Leurs anciens vêtements sont brûlés, comme s’ils devaient disparaître au même titre que « l’enfant » qui deviendra, au terme de cette initiation, un « jeune homme ».

Ces enfants resteront 3 mois dans le bois sacré, gardés par les aînés.

Là les « anciens » viennent chaque jour les initier aux chants et rites de leur peuple.

Puis le Roi du royaume (groupe déterminé comprenant plusieurs villages participant à cette cérémonie) se rend à son tour dans le bois sacré pour la cérémonie de la circoncision.

Aucune femme ne peut assister à cet évènement. Les mères ne connaissent même pas la date de départ de leur enfant que l’on viendra chercher en pleine nuit pour l’emmener dans le bois sacré.

La date de la circoncision est fixée par le Roi et peut donc différer selon les royaumes. Mais elle a lieu après la période scolaire et avant la saison des pluies.

C’est aussi l’occasion de prier pour la paix devant l’arbre sacré et de faire des sacrifices afin que les pluies soient abondantes.

De différentes sources, nous avons entendu dire qu’en Guinée-Bissau, il y aurait encore, parfois, des sacrifices humains.

Cela nous a fait froid dans le dos !


Un jeune nous raconte en toute confidentialité mais avec une immense fierté avoir lui-même vécu ce grand moment de son existence d’homme.

« On doit apprendre des chants et d’autres choses. Si on n’arrive pas à les retenir, on se fait battre »,  un large sourire appuyant ses propos.

Puis, les yeux étincelants, il nous confie :

« Dans le bois, la nuit, un grand, grand oiseau (élargissant les bras pour mieux justifier ses dires) veille sur les enfants et empêche la sorcellerie de venir sur eux »

Un royaume est composé de plusieurs villages.

Si 15 villages le composent par exemple, chaque année, la fête aura lieu dans l’un d’eux, chacun leur tour.
Tous les villages du royaume sont invités à la fête. Mais seuls les enfants dont le père est du village concerné par la cérémonie cette année là, seront circoncis. Les autres attendront que la fête ait lieu chez eux.

Il faudra donc, au minimum, 15 années avant que tous les villages aient eu « leur «  fête.

C’est ainsi que nous avons rencontré des jeunes hommes âgés de 20 ou 30 ans attendant leur circoncision.

Surveillance médicale.

La personne ayant accepté de nous parler plus amplement de la circoncision nous a affirmé qu’un infirmier était désormais toujours présent.

Mais lorsque nous lui demandons si une anesthésie locale était pratiquée, il devient évasif et nous dit que les familles qui le souhaitent peuvent le demander.

« Les rois évoluent » nous dit-il.

*

Fête de la circoncision.

Les jeunes initiés, nouveaux circoncis, sortent du bois sacré.

Tous les villages du royaume peuvent alors fêter l’évènement.

Chaque père concerné offre alors un bœuf.

Lors de la dernière fête de la circoncision, à Djiromaït, l’un d’eux a même offert un dromadaire. « Très bon ! » nous a dit un enfant.

On peut alors manger, danser, chanter et lutter.
Cette fête restera dans toutes les mémoires.

Le Roi du royaume.

Le Roi d’un royaume en est le féticheur.

Dans certains royaumes, lorsque le Roi meurt, son fils aîné prend sa suite. dans d’autres régions, le rôle de féticheur passe de famille en famille.

Exemple de fétichisme.

Nous sommes dans un village de Casamance. Le bois sacré du Royaume est limitrophe.

La semaine précédant notre passage, un habitant d’un village voisin a mis le feu à sa prairie. Le feu s’est étendu jusqu’au village où nous nous trouvons et, alors que les villageois tentaient de le maintenir, une maison a brûlé, mais surtout, le bois sacré et les instruments servant à la circoncision.

« Cette personne devra se dénoncer et offrir des bœufs ou davantage. Faute de quoi le mauvais sort s’abattra sur lui et toute sa famille ainsi que sur les générations à venir. »

Le même sort, voire pire, peut être réservé au responsable d’un vol ou un viol.

Cela explique pourquoi, en Casamance, l’honnêteté et le respect sont des notions primordiales.

L’excision.

Lors de cet entretien avec l’un de nos amis, nous avons osé aborder le sujet de l’excision espérant entendre que cet acte barbare n’avait plus lieu.

Il semble hélas que des jeunes filles subissent toujours cette pratique. Mais personne n’en parle.

C’est « une histoire entre femme ».

Cet acte a lieu en secret et ne fait l’objet d’aucune fête.

Il va de soi que nous n’avons pu aller plus avant sur ce sujet.

*

Peut-être aurions-nous pu obtenir plus d’informations sur la circoncision et sur le fétichisme en général.
Hélas, notre voyage en France nous a empêchés de nous rendre, comme promis à l’un de nos amis, dans son petit village, à la frontière de la Guinée-Bissau.

Nous devions y rencontrer son père, Roi du royaume et donc féticheur.

Dommage !

Mais nous avons pu constater combien l’animisme, avec les nombreuses croyances et tous les rituels qui en découlent, est primordial pour un Casamançais, allant bien au-delà de toute croyance religieuse.

Après ces quelques informations sur un sujet sensible,
en route pour notre dernier séjour à Ziguinchor  avant le grand saut . . .

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