Novembre 2008

Après un séjour d’environ 6 mois en Casamance, nous avons eu le sentiment – ceci étant tout à fait personnel - que si ces populations peuvent avoir besoin d’aide, elles souhaitent surtout vivre en paix.

Et la paix, ici, n’est pas un vain mot !

Le seul souci quotidien des ces gens est d’avoir suffisamment de riz dans le grenier pour assumer les repas pour toute la famille. Pouvoir payer la paille qui permettra de refaire le toit quand cela sera nécessaire. Et surtout pouvoir acheter le mouton pour Tabaski, le bœuf pour Gamon ou pour la circoncision du garçon ou le poulet pour Noël.

Seuls certains jeunes pensent à l’avenir, espérant gagner suffisamment d’argent pour épouser la femme qu’ils aiment. Et pour certains, pouvoir s’offrir des études.
 

Mais, en règle générale, « demain » n’existe pas.

Ce à quoi tiennent ces gens avant tout est qu’ils puissent continuer de respecter les us et coutumes de leurs ancêtres et partager les repas avec la famille au grand complet le plus souvent possible.
Pour certains jeunes poursuivant leurs études, « l’avenir » consiste à rêver qu’ils pourront un jour monter une affaire et offrir ainsi du travail à leurs « frères » du village.

Si certains tentent la triste aventure de quitter leur pays dans des conditions souvent périlleuses, pour la plupart il n’en est rien.

Ils clament qu’ils ne veulent en aucune manière quitter « leur pays », la Casamance.

L’aide et les dons des ONG ou associations diverses, même s'ils sont hélas, parfois, en inadéquation totale avec la réalité, sont bien entendu les bienvenus dans cette région oubliée et donc encore plus démunie que le nord du pays.

Mais nous avons trop souvent rencontré des «toubabs » justifiant leur présence dans tel campement de tel village, par une volonté de « les aider les pauvres !» ou imaginant un nouveau projet censé rapporter aux uns et aux autres.

Mais rarement nous avons vu ces mêmes personnes réunir les responsables du village afin de discuter des besoins réels.
Nous avons vu, par contre, les habitants sourire lorsque nous en discutions avec eux.
Ils ne sont pas dupes et savent bien à qui bénéficieront ces nouvelles entreprises.

Ce que demandent avant tout ces gens ?
Simplement la reconnaissance.


Un petit signe de la main, en pays diola, ça ne suffit pas.


Ici pour dire bonjour :
On s’arrête - On serre les main - On prend des nouvelles de la famille.

Concernant la solidarité légendaire des africains,
notre sentiment sera plus réservé.

La solidarité semble limitée à la famille, très élargie évidement.

Lors de la pénurie d’essence, par exemple, nous avons pu constater combien ce fut « chacun pour soi ! »

Nombre de toubabs furent alors sollicités pour dépanner l’un ou l’autre avec quelques litres d’essence pour la pirogue.  Certains en furent remerciés, d’autres non.

Par contre, toute personne ayant faim sera nourrie.
Il y en a toujours pour tout le monde.
Et un ami ne dérange jamais !

L’amitié.

Je ne sais si l’on peut parler de fidélité en amitié concernant les diolas ou les sénégalais en général.
Mais un fait certain est qu’il suffit de tisser quelques liens de sympathie pour que chaque personne rencontrée pense à vous et le manifeste dès qu’il le peut.

Toutes les personnes avec lesquelles nous avons sympathisé ont pris le temps de nous appeler, régulièrement, simplement pour avoir des nouvelles.
Certains ont profité d’un voyage en pirogue dans le village où nous nous trouvions pour venir nous rendre visite.

Enfin, arriver dans un village avec « le bonjour » d’un parent travaillant à Dakar ou ailleurs assure immédiatement l’amitié de toute la famille.

La sécurité en pays Diola ?

Si la prudence est indispensable partout à Dakar, en Casamance, comment cette notion pourrait-elle avoir un sens quand l’insécurité n’existe pas ou si peu ?

Dans cette région, y compris à Ziguinchor, à aucun moment nous n’avons craint pour notre annexe, pour notre bateau laissé toujours ouvert, pour des affaires oubliées sur le sable. Encore moins pour notre fille.


Ceux d'entre vous qui me connaissent se sont probablement demandés comment je parvenais à dormir lorsque Candice passait la soirée à terre et qu’une tornade l’empêchait de rentrer en annexe.
Quand elle embarquait avec ses amis sur une pirogue pour se rendre dans un village voisin sans heure de retour, parce qu’ici le temps, les projets, cela n’existe pas.

En ce qui concerne le village de Kachouane (mais nous sommes certains qu’il en aurait été de même dans d’autres villages casamançais si nous y avions passé du temps également), la réponse est :

«J’ai dormi sur mes deux oreilles ! »

Car pour tous ces jeunes, Candice était une sœur.
Et pour leurs parents, elle était une fille.

Constat

Lors de notre dernier séjour à Kachouane, nous avons fait un constat.

Après notre "ras le bol" ressenti à Dakar provoquant notre petit retour en France, nous réalisons aujourd’hui la chance que nous avons de connaître ces gens.

Ici, tout est tellement simple.
Le bonheur est partout. Les enfants sont adorables et les jeunes extraordinaires.

Nous avons réellement eu le sentiment d’être ici chez nous. Non comme des toubabs acceptés le temps des vacances, mais comme des habitants du village.
Nous avons été intégrés à toutes les manifestations. Respectés par tous ces jeunes autant qu’ils respectaient leurs parents, « les anciens ».

Nous réalisons aussi et surtout combien notre fille a vécu ici quelque chose de rare, que probablement elle ne connaîtra jamais ailleurs.

Dans ce petit village diola, Candice a été adoptée par tous, enfants et adultes.

Chacun se serait battu pour la protéger comme l’on protège un membre de la famille.

Comme nous, elle a connu la convivialité et le partage.

Nous avons connu cela en Tunisie et au Maroc, mais uniquement du fait de ceux avec lesquels nous sympathisions.

Ici, il s’agit de tout le village.

Et nous savons déjà que ce sentiment de sécurité totale, cette gentillesse, ce respect, cette paix, vont nous manquer…plus tard…sous d’autres horizons…

Ce peuple qui pour nous européens vit comme il y a 100 ans.
Ce peuple qui ne sait, ou plutôt ne veut, utiliser ni fourchette, ni couteau.
Ce peuple qui respecte les fétiches.
Ce peuple qui se réfère aux marabouts, pratique encore la circoncision ou l’excision.

Ce peuple diola a pourtant tant de choses à nous apprendre sur le respect, la joie et la générosité.

Ce sont des gens sereins, pacifiques et honnêtes et d’une gentillesse qui n’a rien de péjoratif.
Il s’agit là de la « vraie » gentillesse, celle que l’on rencontre si rarement et qui touche le fond du cœur.

A la veille de les quitter, nous nous questionnons :

S’il existe un petit coin de paradis, ne serait-ce pas ici ?

 

Certes, il nous faudrait alors apprendre à freiner notre impatience et n’être jamais pressés d’obtenir quelque chose.

Mais pourquoi pas ?... !

 

Adieux chers amis Casamançais ou peut-être au revoir…qui sait ?

Nous partons, mais nous vous emportons dans notre cœur,

là même où vous avez si savoureusement laissé votre marque !


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