Février 2008.

Nous parvenons à arracher Candice à ses devoirs et allons visiter le jardin des femmes.

Anecdote : Que penser ?

 

Voici Mignone, la fille aînée d’Ousman et Diatou, qui porte très bien son joli prénom..

Dès notre arrivée au village, Mignone se colle à nous et ne nous lâche plus. Elle déclare souhaiter venir vivre avec nous.
Sa maman ne semble pas y voir d’objection. Elle insiste au contraire le répétant à qui veut l’entendre.

Bizarre !
Mais ici, la culture est tellement différente de celle que nous connaissons et la pauvreté si grande !

  Le jardin   

Allez les mecs…   Au boulot !!!

Ici, avant d’entrer, on se déchausse.

 

 

Ce jardin est très grand et très bien entretenu. Et à Pointe St Georges, beaucoup d’hommes – "du jamais vu !" - aident à l’arrosage.

  Puisque les hommes s’y mettent . . .
. . . Envoyez les arrosoirs !

Un arrosoir dans chaque main et c’est parti pour 8 arrosoirs par parcelle. A raison de 8 parcelles par famille. Cela matin et soir.

Imaginez le travail !

  Plus que 62 arrosoirs...!!
Bon... Papa… T’as bientôt fini ?… 
Notre fille nous rappelle que, si elle a suspendu ses cours pour nous accompagner, ce n’est certes pas pour venir arroser le jardin.
Nous devons aller voir. . .

Les lamantins.

(Photographies extraites d’un site internet.)

Si vous souhaitez apercevoir ces placides mammifères (de la famille des siréniens, proche parent de l’éléphant précise notre Capitaine) en Casamance, ce n’est qu’à la pointe St Georges, durant les grandes marées, que vous pourrez les observer.
Sinon, il vous faudra aller à Bambou, sur le Siné Saloum.

Je dis bien apercevoir car, très régulièrement, une tête ou un dos émerge de l’eau mais jamais le lamantin ne sortira d’avantage.
Pourtant nous avons observé longtemps ce ballet si émouvant.

Si les lamantins viennent ici, c’est qu’au fond, il y a une source d’eau douce.

Ousman nous explique que, pour eux, le lamantin est un animal sacré.

Le lamantin émettrait des sifflements annonçant qu’un décès ou un évènement important surviendrait bientôt.
Les anciens les entendent et sont seuls à comprendre leur signification.

Une fois par an, devant le lieu qu’occupent les lamantins, les habitants se réunissent sur le petit monticule face à la plage.
Du bounouk (vin de palme) est alors versé dans la mer en offrande aux lamantins, et un poulet est sacrifié pour l’occasion.

Dans un mois, les villageois installeront de grosses bouées jaunes, actuellement sur la plage,  qui délimiteront et protégeront la zone où vivent ces pachydermes et la pêche au filet y sera interdite.

Nous éprouvons quelques difficultés à quitter ces instants magiques pour retrouver Ousman préparant le pain devant chez lui.

Le boulanger de Pointe St Georges.

Ousman est boulanger. Enfin, ce n’est pas vraiment son métier.

Mais un jour, alors qu’il confectionnait déjà le tapalapa (pain artisanal) pour les gens de passage, le propriétaire d’un voilier passant par là lui offrit un livre de recette.
Ousman passa alors des heures entières à découvrir d’excellentes recettes de brioches, croissants et de pain.

Depuis, Ousman fait le pain "à la française", le plus sérieusement du monde.

Chaque jour, afin d’honorer des commandes de plus en plus nombreuses, il confectionne celui-ci, suivant scrupuleusement la recette apprise par cœur.

Tel un professionnel, il pétrit longtemps et soigneusement la pâte à la main.

Puis il la laisse lever, forme ses petits pains nappés d’eau sucrée afin qu’ils dorent sur le dessus et les installe délicatement sur une tôle ondulée, certes un peu rouillée mais largement huilée, sur laquelle ils lèveront encore une fois.

Il enfourne le tout dans son four qu’il a construit de manière très judicieuse avec un grand fût dont  le fond, découpé et monté sur des charnières, servira de porte, et du banco (terre rouge) pour isoler le tout.

Ousman est fier de son travail et son pain est excellent.

Mais Ousman, très actif,  ne fait pas que le pain à Pointe St Georges.

La pirogue et son piroguier.

Dans les bolongs de Casamance, la pirogue est le seul moyen de transport possible. Mais rien n’est prévu par l’État ou les communes. 

Des piroguiers privés permettent de rejoindre les villes de Ziguinchor, Cap Skiring ou Elinkine, ou assurent la liaison entre certaines destinations touristiques.

Mais il faut toujours faire preuve de patience et de témérité et c’est ainsi que certaines personnes attendent de longues heures sous un fromager comme à Elinkine.

Mais pour aller d’un village à un autre, sur un autre bolong. Il n’y a rien !

Aussi, dans les villages, les habitants doivent-ils se débrouiller et ils s’organisent très bien.

Dans certains villages, comme Kachouane, les pirogues sont privées et leurs propriétaires rendent service en organisant de temps en temps un voyage « à la ville ».

D’autres villages possèdent une pirogue et un piroguier est alors désigné.

Récemment, Ousman a été désigné par les habitants de Pointe St Georges comme le piroguier officiel du village et nous explique le fonctionnement.

Lorsque qu’une personne a besoin d’utiliser la pirogue, il paie 5000 CFA et l’essence. S’il s’agit d’un étranger au village, cela coûte  10000 CFA.

Cette personne partagera équitablement les frais avec ceux qui voudront faire le voyage avec lui.

Sur cette somme, le piroguier perçoit 2000 CFA. Le reste va dans la caisse du village et servira à entretenir le moteur ou réparer la pirogue si besoin.

Anecdote :
A l’occasion de ces bavardages très enrichissants pour nous, pauvres néophytes en matière de coutumes casamançaises, Ousman nous livre un petit secret.

Lorsqu’un diola vous dit « Dyaké », cela veut dire « C’est bon ! Ça va ! ».

Mais cela signifie surtout qu’il se gardera bien de dire ce qu’il pense réellement.
« Le diola est très secret » précise Ousman.

Du nouveau sur le fleuve.

Il y a quelque temps déjà, le Willis, remplaçant provisoire prêté par un état voisin, a quitté le Sénégal pour rentrer chez lui, mais son successeur n’était pas opérationnel.

Le moyen le plus rapide pour se rendre à Dakar était donc l’avion (100 000 CFA – 150 euros) à condition que votre place, réservée à l’avance ( !?) soit encore libre.

L'autre solution est le taxis 7 places voyageant de nuit, moins coûteux et peut-être plus fiable, mais long et éreintant, avec passage de la frontière gambienne et du fleuve Gambie en bac..

Nous sommes le 12 février 2008.

Nous allons bientôt passer à table quand soudain, une corne de brume se fait entendre.

C’est l’Aline Sitoé Diatta, le « nouveau bateau ».

Se rendant à Ziguinchor, il signale ainsi à chaque village son premier passage.

 Aline Sitoé Diatta est le nom d’une reine*, héroïne de la résistance. Surnommée l’indomptable, elle fut déportée au Mali en 1943 par les français et n’en est jamais revenue.

* En Casamance, le féticheur est appelé « roi ». Le royaume comprend plusieurs villages alentours.
Seuls les hommes sont rois. Pourtant lorsque son père, qui était roi, mourut, Aline Sitoé Diatta fut désignée pour lui succéder dans son royaume animiste tant sa bravoure était grande.

Que ce nom porte chance à ce bateau et que jamais plus nous ne soyons les témoins impuissants du drame du Joola !

Début difficile pour le « nouveau bateau ».

Ce jour là, le Aline Sitoé Diatta se dirige vers Ziguinchor mais n’a toujours pas pris effectivement ses fonctions (après maintes contestations gouvernementales et quelques oublis dans l’agencement, il ne sera effectivement mis en service que le 11 mars prochain.)
Nous le retrouverons donc quelques jours plus tard à Ziguinchor.
Une foule occupe alors le débarcadère animé par des chants et des danses.
Mais impossible d’approcher, encore moins avec un appareil photo, car les femmes sont d’une grande agressivité.

Nous penserons que ces gens manifestent. Nous apprendrons qu’il s’agit d’une cérémonie de désenvoûtement. Des fétiches seront suspendus çà et là sur le bateau, comme cela avait été fait pour le Willis.

Une semaine plus tard, le Aline Sitoé Diatta reviendra. Cette fois il prendra le départ pour son premier transport de passagers vers Dakar.
Et cette fois, chants et danses se feront de nouveau entendre. Mais ce sera pour fêter l’évènement.

 

De la pluie en février !  

Cette nuit, nous avons été réveillés par une pluie soudaine.
Du jamais vu en Casamance.
Cela tombe à point… nous n’avons plus de hublots !!!

Départ pour Ziguinchor.

Mercredi 13 février 2008

Nos visas expirent dans 3 jours.  Nous devons absolument quitter la Pointe St Georges pour nous rendre à Ziguinchor.

Nous apprendrons d’ailleurs que nous aurions dû faire notre demande de renouvellement de ces visas 15 jours avant.

Mais nous trouverons bien une excuse !

Le départ est prévu à  « 11 heures moins » comme l’on dit ici. Nous attendons Ousman qui, comme promis, doit nous livrer le pain frais avant notre départ.

Anecdote : Le vélo et le poulet.

 Apprenant que Ousman n’a plus de vélo pour se rendre plus rapidement à Mlomp, ville la plus proche pour faire ses achats, nous décidons de lui offrir l’un des nôtres.

Notre Capitaine est heureux de soulager un peu le pont de Vent de Folie !

Le vélo est descendu dans l’annexe et nous allons faire la surprise à Ousman.

Notre ami est occupé à plumer et vider notre poulet (un poulet de chair parait-il… Bien maigrichon pourtant).

Surpris et ravi, il prend son nouveau vélo, bien graissé par Rémy, à pleine main, le pose devant chez lui et reprend ses activités.

Candice me souffle à l’oreille :
« Maman, j’espère que tu vas bien le nettoyer le poulet avant de le faire cuire !?! »

Anecdote : Sacré vélo ou sacré Ousman !

Ousman arrive en pirogue, accompagné par un pêcheur.

Après le passage de Vent de Folie, cela n’étonnera personne s’il n’a plus de farine pour faire le pain.

Tout étant bien moins cher à Ziguinchor, il souhaite donc nous accompagner.

Pas de problème. Nous le prévenons seulement que le voyage durera une journée, au lieu de quelques heures en pirogue.

Ousman emprunte notre annexe et part aussitôt chercher ses affaires.

Quelques minutes plus tard. L’annexe est pleine.

Ousman y a chargé un bidon, une bouteille de gaz et…
le vélo !!!


(photo prise lors du "déchargement" à Ziguinchor !)

Ousman  dit vouloir le faire gonfler et graisser à Ziguinchor.

Rémy, qui n’a aucune envie de voir le vélo reprendre sa place sur le pont, tente de lui expliquer que ce n’est pas la peine.

"Il est graissé. Quant au reste, on peut faire tout ça ici !"

Rien à faire. Ousman vient avec son vélo !

Nous déduirons assez vite qu’il souhaite surtout s’en servir pour faire les courses.

Le lendemain de notre arrivée à Ziguinchor, Ousman prendra la pirogue pour rentrer chez lui avec le bidon plein d’essence , la bouteille de gaz pleine, les 35 kilos de farine, quelques courses… et le vélo.

Avant de partir, il nous appellera, tout heureux de nous apprendre ( !) qu’il a fait les courses avec le vélo et qu’il est bien content !

Nous pourrons, lors de ce voyage, apprécier les talents de barreur de notre ami.
Ousman n’a jamais fait de voile mais, heureux de barrer, il s’avèrera être un skipper très fiable.

Il est piroguier et connaît la mer, cela ne fait aucun doute.

Dernière halte.
La Pizzeria de Pointe St Georges.

J’avais promis à Ousman, le roi de la boulange, de tester avec lui la pizza aux crevettes cuite au feu de bois.

Pointe St Georges se trouvant sur la route de Kachouane, nous ne pouvons donc résister à une dernière petite visite pour cette saison.

Nous sommes le mercredi 19 mars. Nous arrivons de Djiromaït.

Ousman a préparé une bassine de pâte à pain, gonflée à souhait.

1,5 kilos de farine pour 5 personnes, cela devrait suffire (?!)

Les crevettes, fraîchement péchées, sont prêtes également.

Bougez pas. Je file préparer la sauce et je reviens !
Un peu de lumière s’il vous plait ! 
Maestro !

Une belle flambée sous le four.
On étire la pâte façon « pro », confortablement installés dans notre cuisine Chchmit...!

On nappe.  On recouvre le tout de crevettes.

On enfourne.

Quelques minutes plus tard… 

 

  Mmmmmmmm !

Vous voulez savoir si c’était bon ?

Il vous suffit de vous arrêter à la Pointe St georges.
Notre nouveau pizzaïolo vous fera déguster sa nouvelle spécialité.

Ah… Ben… Désolés…Vous arrivez trop tard.
Y-en a plus !!!

Après une bonne nuit, quoiqu’un peu agitée - le mouillage n’étant pas des plus calmes en cet endroit et le vent toujours présent, voici le programme de la matinée :

Ce sera une matinée « Popotte ».

Préparation et conserves de tous ces beaux légumes provenant du jardin de Djiromaït.

Cette corvée à peine terminée, Ousman arrive avec les 5 kilos de crevettes que nous lui avons commandés - à 1000 CFA le kilo (1,50 euros) on n’hésite pas !

Et Kachouane, maintenant, on connaît - On ne se laissera plus avoir !
D’autant que nous allons y passer la semaine de Pâques.

Nous allons donc tester la conserve de crevettes…. épluchées bien sûr…

Chéri... combien de temps, le voyage jusqu’à Kachouane ?… !
  Allez, à toi...

Par chance, je suis exemptée de la corvée journalière de pain, puisque ceux de Ousman sont irrésistibles.

. . .

Jeudi 20 mars.

Il est 14 heures - La marée remonte.

Nous quittons la Pointe St Georges.

Salut Ousman ! Au revoir  Diatou ! De gros bisous à Mignone et Nicoletta.
À cet été peut-être !


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