Lampedusa

- mai 2006 -

Un passager clandestin :

Il est 5heures 20 exactement.

Levé de soleil magnifique certes, mais je me gèle !

7 heures – Comme je serais bien au lit !!!

Soudain, une hirondelle aussi frigorifiée que moi, se perche tout d’abord sur la grand-voile pour enfin venir se reposer à mes pieds dans le cockpit.

Cette pauvre petite bête est tellement fatiguée qu’elle ne bougera pas lorsque d’un vieux tapis je lui improviserai un abri contre ce vent glacé, et dormira ainsi jusqu’à notre arrivée. . .

Il est aux environ de 11 heures lorsque nous atteignons l’île de Lampedusa.
Fangio, comme toujours, sent la terre et monte dans le cockpit. Le ventre plein, l’oiseau ne semble guère l’intéresser.

Bou! Trop p'tit. Rien à bouffer!

L’entrée du port est en vue. Nous affalons les voiles, préparons les défenses… 2 voiliers sortent du port… mais qui va là ?... c’est bien Virflo et Kundalini (nos amis de Monastir pour ceux qui ne suivraient plus !).
Ils vont prendre un mouillage au nord de l’île, prêts à partir ce soir pour Malte.

SOIT ! Nous ne sommes plus à 5 ou 10 miles près. Nous les suivons.

Nous profitons de notre nouvelle table de cockpit.

Aline fait le taxi. Nous partageons un dernier café et cette fois : Adieu Luc et Françoise. Nous garderons un excellent souvenir de vous ! - A bientôt Kundalini. Rendez-vous à Alcudia !

… Nous passons la nuit dans ce mouillage paisible. Si l’unique chargeur 12 volts que nous possédions pour alimenter notre ordinateur n’avait "flambé", c’eut été une belle matinée !!!
Hélas, sans PC, plus d’édition (par chance, nous avions édités les cours de Candice à Monastir), plus de mise à jour du site et plus de préparation des mails… Si notre silence durait trop longtemps, vous nous excuserez donc !

Mais pour nous le pire étant : Plus de carte marine pour la navigation …Et ça recommence !
Espérons que Lampedousa est bien approvisionnée.

Arrivée au port de Lampedusa – Mardi 9 mai – 13 heures.


Le problème de ce port est que, hors saison, les rares pontons installés sont tous occupés par les barques de pêche.

Seule solution :

Le quai, sans eau ni électricité bien sûr, mais surtout sans pendille (amarre fixée au fond de l’eau permettant de maintenir le bateau perpendiculairement au quai).
Nous devons donc nous amarrer à l’ancre devant, et l’arrière au quai, sans nous approcher trop près car, à l’arrière, nous avons le safran (gouvernail).

Donc pas question de toucher ?! … Il nous faut pourtant atteindre le quai pour attacher les amarres… Vous comprenez - Non ? … Bref - Opération impossible si personne ne nous aide depuis ce fameux quai.

Un point positif : Kundalini nous avait prévenus, mais cela ne résout pas pour autant le problème.
De plus, lorsqu’il s’agit de manœuvrer en marche arrière, Vent de Folie n’est plus du tout d’accord. Et le vent s’est levé histoire de nous compliquer la tâche.

Nous savons par avance que ce ne sera pas du gâteau ...

… Et nous avions raison !

Chacun à son poste… Mon stress toujours fidèle… Le quai approche…
2 voiliers sont à quai, leurs propriétaires prêts à nous aider…
Nous jetons l’ancre… Marche arrière…
Comme prévu, Vent de Folie se met en travers…


Après 3 tours gratuits, nous approchons mais pas du tout de l’emplacement visé… La dérive est dans le sable… Rémy court la remonter (rappelons que le relais a rendu l’âme il y a fort longtemps. N’ayant toujours pas trouvé à le remplacer, les contacts se font manuellement - directement avec les câbles - Etincelles garanties !),…

Il revient vite fait à la barre - Candice est à l’ancre – Moi aux amarres, enfin (?!), pendant que Rémy fait son footing, je fais le singe, grimpée à l’extérieur sur le balcon arrière, tentant d’agripper le petit bateau de pêche sur lequel nous reculons…

Quelques pêcheurs viennent à la rescousse… L’arrière est amarré… Reste l’avant.
L’ancre nous ayant suivi au lieu d’accrocher ?!

Il nous faut la remonter et aller la jeter plus loin à bord de l’annexe. Il n’y a pas d’urgence puisque son poids suffit à nous retenir, mais tout de même !
Afin de souffler et avant de poursuivre, Rémy s’informe : la famille de notre ami Tomaso de Favignana vit à Lampedusa. Nous sommes donc porteurs d’un message de sa part.
 
Un jeune homme pêche depuis le quai. Dès qu’il apprend que nous connaissons le cousin de son père (Tiens donc… c’est petit Lampedusa !),  Vito pose sa canne à pêche et propose de nous aider.

Merci Vito, car en plus de son poids, l’ancre s’est coincée sous l’amarre du bateau voisin, et ramer tout en tirant la chaîne + l’ancre, il fallait être 2.

Sans Vito, c’était encore pour ma pomme !


L’un d’entre vous trouvait dernièrement que notre récit était « un peu mou ».
Qu’il se rassure.

Avec qui dit «Navigation », dit « Action » !


… Une bonne bière et quelques révisions des gestes italiens plus tard, nous partons en repérage : Un chargeur pour le PC (nous le trouverons 3 jours plus tard.) – Boites pour chat (la réserve étant de nouveau épuisée, Fangio nous casse les oreilles à longueur de journée !) – boulangerie – et surtout : charcuterie et fromagerie !

Anecdote : Dès notre départ de Monastir – 1ère réflexion de Rémy : «  Nous allons pouvoir « re-manger » du jambon, … et quand nous serons en Sardaigne, j’achète plein de bon fromage ! » (Sous-entendu « Qui  PUE !»).

Bon ! – Le fromage, on lui laisse. Mais le jambon. Ça oui alors !

Mercredi 10 – Candice, après maintes prises de tête et coups de gueule, a enfin terminé sa 10ème série du CNED. L’enveloppe est postée.

A elle : La 11ème et un peu plus sérieusement s’il te plait !

 Mais nous savons que ce n’est pas gagné puisque, dès sa première sortie dans la ville, elle a déjà des copines.
Et qui dit copines, dit sorties – une soirée à la pizzeria est déjà organisée pour samedi ?!!


A nous : Le repos !
Depuis quand n’avons-nous passé une seule demi journée à ne rien faire ?... Ouuuuh ?
Moi qui d’ordinaire ne sait rester tranquille, quel bonheur de fainéanter !

Le soir même, Vito nous apporte du poisson à peine débarqué du chalutier sur lequel il travaille.

Note : Je comprends quasiment tout ce que dit Vito. Non, non, je n’ai pas appris l’italien. Mais Vito anime naturellement ses paroles avec tant de gestes, il est d’une telle drôlerie, les soirées en sa présence ne sont que fous rires.

A peine lui avons-nous demandé où prendre un bus pour visiter une célèbre plage de l’île, que Vito nous propose de nous y emmener :

Cet endroit magnifique se nomme : Isola Del Conigli (Ile des lapins, et ils doivent y être nombreux!). Le mouillage en bateau y est interdit car ici viennent se reproduire chaque année au mois de juin les tortues carets (Les tortues venant systématiquement pondre à l’endroit où elles sont nées).

Pointe du Ponent
Les « damusos » destinés à la location saisonnière sont les seules habitations rencontrées à l’extérieur de la ville ...
... Calme assuré !

 Ils sont semblables à ceux de Pantelleria mais les murs ne sont pas en pierre de lave puisque, contrairement à sa voisine, cette île n’est pas volcanique.

Cimetière de bateaux tunisiens:

L’île ne compte pas moins de 1500 policiers - Pourquoi ?
Parce que de nombreux bateaux arrivant sur cette côte transportent des centaines de clandestins fuyant la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, la Libye,… pour la somme de 1500 euros par passager.
Alors que ces derniers, lorsqu’ils parviennent à terminer leur voyage (à plus de 700 dans un petit chalutier, certains tombent à la mer et sont repêchés dans les filets des pêcheurs), sont regroupés dans un centre d’accueil  avant d’être « expédiés » en Italie (la Sicile n’en voulant surtout pas et Lampedusa encore moins), les capitaines peu scrupuleux de ces navires sont emprisonnés à Lampedusa.


Le tour de l’île ne représentant qu’une vingtaine de kilomètres, la visite est rapide.
Cette île, à part la côte sud, n’est pas spectaculaire. Tout le long de la côte nord, ce ne sont que falaises. Mais la population (environ 5500 personnes), uniquement concentrée dans la ville de Lampedusa, est vraiment chaleureuse. Ici même les pêcheurs sont très aimables, nous saluant toujours et s’excusant même lorsqu’un nouveau bateau doit s’amarrer près de nous.

Nous ne sommes pas encore en période estivale, pourtant les bars et restaurants sont ouverts. Les 25/35 ans, nombreux, sont également très bien organisés. Ils se retrouvent au sein de « clubs » associatifs où ils peuvent, à tout moment partager une bière (enfin, plusieurs !) et se divertir.

Dès notre retour, Vito, non content d’avoir fait le taxi, remonte ses manches et aide Rémy à écailler  le poisson qu’il nous a offert.

Alors que mes lasagnes « favignanaises» mijotent dans le four, Vito, qui adore cuisiner, nous prépare une sauce au rouget dont je vous confierai la recette… un pur délice.
Mes lasagnes attendront bien jusqu’à demain !

 
Notre sympathique « poissonnier » venant fréquemment nous rendre visite et n’arrivant jamais les mains vides, le réfrigérateur regorge de poisson.
Une soupe s’impose… Mais elle aussi attendra car samedi, nous sommes invités à partager le repas chez les parents de Vito et leurs 4 grands enfants.

Très vite, nous avons le sentiment d’être 3 enfants de plus, tout simplement.
Un vrai repas en famille - Les plats se succèdent. On se croirait en Tunisie.


A ces 2 différences près:

Les « Mandge… Mandge… » de Raoudha deviennent des « Mangiate,… Maaaa,… Mangiate… » avec le bon vivant Giuseppe, papa de cette belle et sympathique famille, ayant semble-t-il autant de plaisir que nous à partager ces instants fabuleux.
Et l’alcool qui coule à flot.

Après les fameux canoli, chers à Rémy, nous découvrons la Finochietto. Une liqueur de fenouil fabrication maison… Je ne vous en dis pas plus !!!

En fin d’après midi, les estomacs repus et les mâchoires fatiguées d’avoir tant ri, nous allons faire une petite sieste car ce soir : Pizzeria…

Ah, que c’est difficile la vie sur un bateau !!!

Là, nous pouvons constater que, ce que nous prenions pour une particularité de Favignana, s’avère être un généralité sicilienne : Ils ne boivent que de la bière.
Alors que dans nos pizzerias françaises, nous pouvons régaler nos papilles avec un bon rosé italien, ici il n’y en a pas. Un peu de rouge et … de la bière, en bouteille de 66 cl.
Lorsque les jeunes sortent, ils boivent de la bière. Et lorsque nous leur proposons à boire, c’est encore de la bière !

Dimanche 14 mai - Quel passage sur ce quai !

Ce quai n’aboutit nulle part si ce n’est à l’embarcadère du ferry (une fois par jour) et à quelques chalutiers attendant une météo favorable.

Pourtant la circulation y est dense. On se croirait sur une aire d’autoroute. Certains y promènent même leur chien… en voiture, le chien courant à côté !
Nous profitons avec plaisir de ce passage. Le bateau devient trop petit tant nous avons de visite.

Apprenant que Rémy recherche une partie de sa famille à Lampedusa, et le temps n’étant pas, paraît-il, favorable à la pêche (pour nous il fait très beau), les Lampedusani, tous pêcheurs et donc oisifs durant ces quelques jours, ne se font pas prier pour lui apporter leur aide.

Heureux de monter pour la 1ère fois un voilier, ils sont surpris d’apprendre que nous vivions à bord et ayons «tout ce qu’il faut» c’est à dire chambres, cuisine, salle de bain … (!)

C’est ainsi que Rémy apprend que les 2 propriétaires des bateaux de pêche voisins portent le même nom que sa famille maternelle. 
Alors qu’il se renseignait à la mairie et parcourait le cimetière, il aurait dû placarder un avis de recherche sur le mât, c’eut été plus rapide !

De nouvelles amitiés naissant et ces pêcheurs ayant pour loisir… la pêche…
Allez ! Encore un seau de poisson !

A la prochaine escale, nous déclarons immédiatement que nous sommes allergiques au poisson… Ce n’est vraiment pas ma spécialité culinaire, et surtout je déteste le vider.
Rémy, qui se passerait bien de manger ces petits poissons pleins d’arêtes, est systématiquement de corvée !
A quand le seau de côtes de bœuf ?

Mais ce soir, «il tempo è buono !».
Petits et  gros, la plupart des bateaux part pour la pêche !

Plus de passage. Plus de visite. retrouve le calme !

Mardi 16. Nous avons droit à une surprise dont je tiens à faire profiter mes beaux-parents :

A l’entrée du quai, non loin de nous, il y a un des plus grands restaurants de Lampedusa:
«le Mille e una Notte» (Le Mille et une Nuits). 

C’est en fait une Société de location de scooters, voitures, zodiac, villas et appartements, qui possède aussi ce restaurant dont l’intérieur est magnifique.
Cet ancien entrepôt est taillé dans le corail, avec de superbes voûtes, un puits de lumière de plus de 6 mètres de haut dans la grotte où était stocké le sel, et un autre puits d’eau de mer dont on peut toujours voir le niveau monter et descendre selon la marée. Tout ceci aménagé avec luxe et grand goût.

Et bien, … ce soir nous allons y dîner !

En bas, à droite, on lit : LICCIARDI Group.

Le propriétaire est en fait de la famille (enfin, moi je n’y suis pour rien !).

Après le passage, cet après midi, de sa cousine ayant remarqué une certaine ressemblance avec Rémy, il est venu nous rendre visite, nous a fait visiter et nous a invités… Tout simplement !
Nous y avons dégusté le meilleur couscous au poisson que nous n’ayons jamais mangé et que nous ne mangerons probablement jamais.

Mercredi 17 - Notre départ est prévu vers 17 heures.

Pourtant, le midi, on remet ça… chez la cousine !
Et après une repas léger (???) … Encore des canoli…

Bien sûr, nous repartons avec les « restes » : Poulpes et anchois marinés, ça ne vous tente pas ? - Vous avez tort !

On n’en peut plus !

Voici une semaine que nous sommes à Lampedusa, et nous ne faisons que
manger, manger   et   manger

Mon estomac ne désenfle plus. Il faut vraiment qu’on parte !

Mais nous laisseront-ils partir ?


C’est bon ! 19 heures, Les saluts sont faits, les amarres larguées, notre nouvelle ancre Spade est remontée grâce au guindeau électrique, l’autre retrouve sa place à l’arrière, ... sur les épaules de Rémy … avec sa chaîne ! ... Remontée de l’annexe… Notre petit mousse rentre les défenses…

Tout est en place.
Ouf ! Tout s’est bien passé cette fois ! 
Ça mérite bien une petite pipe !
 
Dernière photo de Lampedusa :

Isola del Conigli (moins spectaculaire que de l’intérieur !).  Au fait, il paraît qu’en ce moment, l’île est verte ?!

Une barque tunisienne échouée sur la plage…
ceux là s’en sont peut-être sortis ?!

De nouveau 18 heures de navigation pour Pantelleria.
Mais cette fois il fait très beau . . .


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